Auteur d’une œuvre monumentale, que l’on a pu comparer à celles de Barth et Pannenberg ou Rahner et Balthasar, le théologien roumain ne fut pas seulement le traducteur de la Philocalie, il composa aussi une vaste synthèse théologique. Avec sa Dogmatique et son Ascétique, ce volume constitue en effet un triptyque offrant une puissante synthèse de la foi trinitaire.
Après un long prologue qui offre une présentation de l’édifice, comme image de la création inspirée de la Mystagogie de Maxime le Confesseur, et de la place des icônes, Stăniloae commente le déroulement de la liturgie : un premier chapitre traite de la protèse ; le deuxième de la liturgie des catéchumènes comme montée vers le Royaume de la Sainte Trinité ; le troisième de la synaxe eucharistique. Deux annexes abordent la place de la confession de foi puis du chant liturgique. Le traducteur, qui a rédigé aussi un avant-propos exposant ses difficultés et ses choix, a ajouté des repères biographiques qui permettent de situer aussi les œuvres du théologien roumain.
Sans doute ce qui saisit le lecteur est la place omniprésente de la référence trinitaire dans ce vaste commentaire et la vision sacrificielle qui l’habite. Les deux sont liées et sont le fondement de la communion des personnes : à la racine de tout sacrifice se trouve « le don de soi périchorétique trinitaire ». En mourant sur la croix, le Christ a manifesté ce don intra-trinitaire, a rétabli la personne humaine dans ses attributs d’amour et d’immortalité et il a ainsi « réactivé » la communion des personnes. Ainsi, la Divine Liturgie est « le lieu central de croissance des hommes dans cet amour et cette union par la communion ensemble avec le Fils de Dieu, sacrifié et ressuscité pour eux, afin qu’ils apprennent et trouvent la force de s’aimer eux aussi jusqu’au sacrifice, et par cela d’avancer vers la résurrection avec lui dans la vie des siècles » (p. 37).
Malgré les notes explicatives du traducteur, le texte est d’une densité telle que le lecteur peut être découragé de suivre le théologien roumain, surtout s’il cherche une explication simple des rites de la divine liturgie byzantine. Tel n’est évidemment pas le propos de l’auteur qui partage plutôt sa contemplation de Dieu trinité dont il perçoit le reflet dans le cosmos et l’humanité transfigurés dans la liturgie. Sans doute est-ce pourtant à cause précisément de sa référence liturgique l’œuvre la plus accessible du théologien dont la vision systématique apparaîtra peut-être un peu close. Mais celui qui sera parvenu jusqu’au bout de sa lecture sera sans doute désireux de poursuivre sa méditation avec les autres volumes annoncés de sa Dogmatique.
Michel Mallèvre
Dumitru Stăniloae, Spiritualité et communion dans la liturgie orthodoxe. Traduit du roumain par Jean Boboc, Perpignan, Artège-Lethielleux, 2017 ; 638 p. 34 €. ISBN : 978-2-249-62554-1.
Recension publiée dans la revue Istina, 2018/3.