À la découverte des Églises « Delta »
Un projet de recherche à Istina
Dans les dernières années, un groupe d’étude s’est réuni au centre d’études œcuméniques Istina pour essayer de mieux comprendre un phénomène ecclésial important : l’apparition, dans les dernières décennies, d’Églises nouvelles, toujours plus nombreuses, fréquentées par des fidèles dont l’histoire familiale est marquée par la migration. Une réalité trop peu repérée, et pourtant déjà bien ancrée dans le paysage chrétien français : toutes les villes ont vu naître de nouveaux lieux de culte, souvent à leur périphérie, là où les prix de l’immobilier le permettent.
Des Églises « Delta »
Il faut en convenir, cet ensemble d’Églises plus récentes est difficile à circonscrire, et même tout simplement à nommer. Les mots nous manquent pour les désigner de manière claire et compréhensible. Aucun mot français ne désigne simultanément quatre caractéristiques essentielles qui spécifient les Églises auxquelles s’est intéressé le groupe d’étude d’Istina, à savoir : avoir été fondées de manière (relativement) récente ; avoir de nombreux marqueurs typiques des Églises évangéliques ou pentecôtistes ; réunir surtout des personnes venues d’autres continents et leurs descendants ; être plutôt absentes des réseaux interecclésiaux qui relient des Églises plus anciennes en France.
Après avoir écarté toutes les appellations problématiques, le groupe d’étude d’Istina a opté pour un choix terminologique le plus neutre possible. Comme on le sait, les sociologues ont aujourd’hui recours à des lettres de l’alphabet pour désigner différentes tranches de la population, et l’on parle ainsi couramment de la génération X, Y, Z ou Alpha. De manière analogue, on a fait le choix ici d’une lettre grecque et, par simple convention de langage, on parlera d’Églises « Delta ». Cette appellation neutre présente l’avantage de n’avoir aucun caractère dépréciatif. Tout au plus, le mot « Delta » pourra-t-il évoquer à certains, comme en mathématiques, une variation ou une différence ; ou, comme en géographie, une zone de confluence où se mêlent des eaux à la salinité et à la température différentes, un écosystème où des berges s’enrichissent d’alluvions venues d’ailleurs. Mutatis mutandis, la création par des chrétiens originaires d’autres continents d’Églises nouvelles dans des pays européens de vieille souche chrétienne crée des phénomènes métaphoriquement proches.
Le document du groupe d’étude d’Istina
Le document intitulé « Les Églises « Delta ». Comprendre des Églises nouvelles en France, tisser des liens nouveaux » a été publié au printemps 2025, dans le fascicule 2025/1-2 de la revue Istina. Il est commandable en ligne. Pour un premier aperçu, on peut en lire quelques extraits : plan, prologue, conclusion.
Les auteurs
– Valérie Aubourg : catholique, docteure (HDR) en anthropologie, professeure à l’Université catholique de Lyon et chercheure du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (Centre national de la recherche scientifique et École pratique des hautes études).
– Valérie Duval-Poujol : baptiste, docteure en théologie (Institut catholique de Paris) et en histoire des religions et anthropologie religieuse (Paris IV), enseignante à l’Institut supérieur d’études œcuméniques de Paris.
– Georges El Hage, (jusqu’en 2022) : orthodoxe libanais (Patriarcat d’Antioche), docteur en histoire (Sorbonne Université) et en théologie (Facultés Loyola), responsable des études à l’Institut supérieur d’études œcuméniques de Paris.
– Franck Lemaître : catholique, dominicain, docteur en théologie catholique (Fribourg) et en théologie protestante (Strasbourg), directeur du centre d’études œcuméniques Istina.
– Gabriel Monet : adventiste, pasteur, docteur en théologie protestante (Strasbourg), professeur de théologie pratique à la Faculté adventiste de théologie de Collonges-sous-Salève.
– Ulrich Rüsen Weinhold : réformé allemand, pasteur, docteur en théologie (Wupertal), responsable des relations internationales de l’Église protestante unie de France.
– David Vincent : réformé évangélique, doctorant à l’université Paris Sciences et Lettres / École pratique des hautes études, enseignant.
Le document du groupe d’étude d’Istina ne vise pas d’abord à étudier un phénomène socio-historique et ecclésial, mais il s’intéresse à des personnes avec lesquelles des liens sont à créer. Sa deuxième section s’ouvre donc par des récits de vie de pasteurs et des présentations de leurs Églises. Il y est question de neuf Églises rencontrées au gré de l’étude. Pour des raisons d’abord pratiques, le choix s’est porté sur l’Île-de-France. On peut donc y lire des entretiens :
– avec le pasteur Alain Biayi de l’Assemblée des saints à Saint-Denis ;
– avec le pasteur Cyrille Ndong du Centre international pour l’Évangile et la louange à Antony ;
– avec la pasteure Flore Da Silva de l’association charismatique Mangembo ;
– avec le pasteur Fred Mégange de l’Église évangélique L’Armée du Roi à Coignières ;
– avec le pasteur Marcos Cavalcante de l’Église La Vigne ;
– avec le pasteur César Massamba de l’Assemblée évangélique de la Fraternité à Argenteuil ;
– avec le pasteur Louis Moké de l’Église évangélique Arche de paix à Saint-Denis ;
– avec le pasteur Luc Saint-Louis du Centre missionnaire évangélique au Blanc-Mesnil ;
– avec Shuping Huang, responsable de la section francophone à l’Église protestante chinoise de Paris 11e.
Découvrir des Églises « Delta »
Il n’existe pas de listes exhaustives de lieux de culte. L’Observatoire du patrimoine religieux (inventaire participatif) ne recense que les édifices « typiques », et non pas toutes les salles de réunion utilisées pour le culte. Il en est de même pour la base de données Mérimée (Ministère de la Culture) qui inventorie le patrimoine monumental et architectural, notamment religieux. On ne dispose pas non plus de listes officielles fiables des Églises, ni d’annuaire exhaustif.
Pour ce qui concerne les Églises « Delta », les changements d’implantation sont fréquents, surtout dans les premières années. Les Églises peuvent rapidement déménager si des locaux plus vastes, de meilleure qualité ou à meilleur tarif, sont trouvés ailleurs. D’où la fiabilité relative des annuaires, qui nécessitent de constantes mises à jour. En cherchant sur les moteurs de recherche d’internet, on peut repérer des Églises. En ouvrant les yeux et les oreilles, on peut alors découvrir ces nouveaux lieux de culte. En cliquant ici, on trouvera des exemples dans quelques villes d’Île-de-France et d’ailleurs.