Laurent Schlumberger a présidé l’Église réformée de France à partir de 2010 et, à sa création en 2013, il est devenu le premier président de l’Église protestante unie de France. Ses conférences, prédications et allocutions prononcées durant son mandat ont été judicieusement rassemblées par les éditions Olivétan. Devant des auditoires très divers, ces « propos théologiques d’occasion » ont permis au pasteur Schlumberger d’exprimer dans un langage renouvelé le cœur de la foi chrétienne et les accents spécifiques du protestantisme luthéro-réformé, ainsi que sa lecture lucide des défis de la société contemporaine, dans tous ses paradoxes.
Il est notamment intéressant d’avoir regroupé les messages adressés au synode national par son président (de 2011 à 2016[1]). On y perçoit bien les évolutions du protestantisme français : « pendant quatre siècles, être protestant en France, ce fut être chrétien non catholique […] aujourd’hui, ce contexte n’est plus ». Sans complaisance Schlumberger épingle le caractère insuffisamment missionnaire des luthéro-réformés : leur « compréhension paresseuse de la grâce de Dieu – la foi, c’est son affaire et donc ce n’est pas la mienne ; un affadissement moral de l’Évangile – ce qui compte, ce sont les valeurs sociales qu’on en tire ; un respect mal placé de la liberté d’autrui – comme si la liberté de conscience était grandie par le mutisme plutôt que par le partage de convictions ». « L’Église qui vient » devrait donc être une « Église d’attestation », une Église de témoins « qui disent avec leurs propres mots, même hésitants, et avec une étincelle dans le regard : voilà pourquoi Jésus Christ est si important pour moi ». Des critiques et des recommandations convaincantes, adressées certes aux luthéro-réformés français, mais qui pourraient être entendues par d’autres chrétiens, bien au-delà des frontières du protestantisme et de la France…
Concernant les relations œcuméniques, le dernier chapitre de l’ouvrage – plus exploratoire – formule l’hypothèse d’une mutation du christianisme marqué par un abaissement progressif des frontières entre ses différents courants, les identités confessionnelles devenant « de moins en moins structurantes » et « de moins en moins pertinentes pour les chrétiens eux-mêmes » : s’il sait écarter l’écueil d’un affadissement théologique par la recherche du plus petit dénominateur commun aux diverses Églises, ce « christianisme postconfessionnel » pourrait stimuler les chrétiens à « distinguer l’essentiel de l’accessoire, pour mieux affirmer ce qui est déterminant dans notre compréhension de l’Évangile de Jésus Christ ».
Franck P. Lemaître
Laurent Schlumberger, À l’Église qui vient. Préface du frère Alois de la Communauté de Taizé, Lyon, Olivétan, 2017 ; 318 p. 19 €. ISBN : 978-2-35479-387-6.
Recension publiée dans la revue Istina, 2017/3.
[1] Pour des raisons de calendrier éditorial, on ne trouve malheureusement pas le dernier message du président Schlumberger au synode national de Lille en 2017.