Alors que le Proche et le Moyen-Orient sont toujours en proie à une instabilité, hélas prévisible, au lendemain de bouleversements politiques nécessaires, la visite du pape Benoît xvi au Liban a suscité une espérance, tant ses appels à la Paix ont été dans l’ensemble bien accueillis par les protagonistes. Cette visite fut aussi marquée par la promulgation de son exhortation apostolique Ecclesia in Medio Oriente, à la suite du Synode des évêques de cette région du monde réuni en octobre 2010. Rarement un texte pontifical aura autant insisté sur l’unité des Chrétiens, depuis l’encyclique Ut unum sint du pape Jean-Paul II en 1995. Il est vrai que la mosaïque des églises, dont la présence apparaît plus que jamais fragile dans des pays où l’Islam est très fortement majoritaire, se prêtait particulièrement à ce rappel. Mais le pape a réaffirmé aussi quelques-unes de ses convictions sur l’unité dans la diversité. D’une part, en rappelant la richesse des traditions chrétiennes orientales. D’autre part, en précisant sa compréhension du rapport entre l’Église universelle et les Églises particulières :

« Le concept d’Église “catholique” contemple la communion entre l’universel et le particulier. Il y a là un rapport de “mutuelle intériorité” entre Église universelle et Églises particulières, qui identifie et concrétise la catholicité de l’Église. La présence “du tout dans la partie” met la partie en tension vers l’universalité, tension qui se manifeste – en un sens – dans le souffle missionnaire de chacune des Églises, et – dans un autre sens – dans l’appréciation sincère de la bonté des “autres parties”, qui comprend l’action en syntonie et en synergie avec elles. L’Église universelle est une réalité préalable aux Églises particulières, qui naissent dans et par l’Église universelle. [Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Communionis notio, n. 9]. Cette vérité reflète fidèlement la doctrine catholique et particulièrement celle du Concile Vatican II [Const. dogm. Lumen gentium, n. 23]. Elle introduit à la compréhension de la dimension “hiérarchique” de la communion ecclésiale et permet à la diversité riche et légitime des Églises particulières de s’articuler toujours dans l’unité, lieu dans lequel les dons particuliers deviennent une authentique richesse pour l’universalité de l’Église. » (§ 38)

Il n’est pas certain qu’une telle affirmation, objet d’un célèbre débat théologique entre son auteur et le cardinal Kasper, emporte la conviction de tous les théologiens de l’église catholique, ni qu’elle facilite le dialogue avec les Églises d’Orient qui ne sont pas en pleine communion avec elle…

Dans le contexte d’une Europe marquée par une impressionnante sécularisation mais aussi secouée par la violente crise économique et financière qui affecte l’identité de l’Union européenne, la récente Assemblée de la Communion d’églises protestantes en Europe (CEPE) a de son côté appelé à une profonde révision de la politique sur ce continent tout en soulignant l’apport de la Réformation. Cette assemblée a aussi confirmé son souhait d’un dialogue spécifique de la CEPE avec l’église catholique, sans vouloir dédoubler celui mené au niveau mondial par les Communions luthérienne, réformée et méthodiste. Prochainement s’ouvriront donc ces conversations continentales. Partant de l’étude doctrinale « L’Église de Jésus-Christ » (1994) complétée tout récemment par celles sur « Ministère, Ordination, Episkopé » et sur « Écriture, Confession de foi, Église », elles porteront sur le modèle œcuménique de la CEPE, qui a fait l’objet ces dernières années de critiques romaines. On peut espérer que de telles conversations permettront un progrès significatif de la marche vers l’unité entre les églises séparées d’Occident, dans la perspective des célébrations de 2017.

On espère aussi que le travail théologique ne sera pas oublié par la prochaine Assemblée du Conseil œcuménique des églises qui se réunira à l’automne prochain en Corée. Le récent Comité central, chargé de la préparer, a adopté de nouveaux documents à soumettre à cette Assemblée : « Déclaration sur l’unité », « L’église : vers une Vision commune », « Ensemble vers la vie : Mission et évangélisation dans des contextes en évolution ». Ces nouveaux textes viendront-ils grossir la pile de documents œcuméniques finalement peu lus ? 

Ce numéro voudrait précisément contribuer à la réception de quelques uns de ces textes théologiques qui fécondent le mouvement œcuménique. Il propose, pour trois dialogues menés en France entre catholiques et protestants, une relecture de leurs documents par des théologiens d’autres confessions : celui du dialogue catholique luthéro-réformé « Discerner le corps du Christ », qui aborde la question de la possibilité d’un accueil mutuel à la table eucharistique d’un point de vue ecclésiologique, à partir de progrès possibles dans la reconnaissance des ministères ; celui du dialogue catholique baptiste sur Marie, où pour la première fois des membres de ces deux confessions tentent de parler ensemble de la Mère de Dieu et de clarifier les divergences de fondement épistémologique de leur discours et leurs affirmations sur elle ; enfin, l’ouvrage du groupe des Dombes sur les implications œcuméniques du Notre Père. Nous espérons ainsi que les réactions de ces théologiens à des textes, à l’ élaboration desquels leurs Églises n’ont pas participé, contribueront non seulement à élargir le nombre de leurs lecteurs potentiels en montrant leur intérêt, mais aussi qu’elles aideront à une réception plus large du travail œcuménique toujours menacé de cloisonnement.

Istina