Alors que les chrétiens se préparent à célébrer la venue de Dieu dans l’histoire des hommes, bien des événements récents semblent plutôt manifester son absence. D’abord les tragiques événements de Paris du 13 novembre, réveillant la peur après ceux du 7 janvier 2015. Ensuite la COP21, qui aurait dû mobiliser davantage face au spectre de la destruction de notre planète à plus ou moins long terme.

Dans les deux cas, il faut constater la cécité de beaucoup sur les causes profondes de ces sombres perspectives ouvertes par la montée du terrorisme et de la crise écologique. Nous peinons à reconnaître que ce sont là les conséquences, certes différentes, de la volonté de bien-être de quelques uns au détriment d’une majorité. Finalement d’un égoïsme, qui se manifeste jusque dans l’exploitation médiatique du drame de Paris promue « capitale de la douleur » dans l’oubli d’horreurs semblables, sinon pires, vécues depuis tant d’années au quotidien par d’autres nations pour qui ce serait normal, alors que l’on se scandalise qu’en soit affectée la cité où, le 10 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations-Unies adopta la Déclaration universelle des droits de l’homme !

Du moins ces deux événements ont-ils été l’occasion de démarches communes de chrétiens appelant à la raison et à la solidarité : au refus de réactions de peurs égoïstes à la suite des sinistres attentats après une éphémère mobilisation en faveur de réfugiés ; à un changement de comportement et un réel engagement politique pour sauver notre planète, en se préoccupant du sort des générations futures. Non pas seulement à la solidarité frileuse de privilégiés face à une menace visant notre sécurité ou notre bien-être immédiats, mais une solidarité plus large à la mesure de leur foi en Celui qui est venu rassembler tous les enfants de Dieu.

Lors de son voyage en Afrique, du 25 au 30 novembre 2015, le pape François a bien redit l’interdépendance de l’allègement de l’impact du changement climatique, de la lutte contre la pauvreté et du respect de la dignité humaine. Sur ce continent victime de la convoitise de l’Occident, déchiré par tant de conflits, souvent marqué par le chaos politique, lors de rencontres interconfessionnelles à Nairobi au Kenya, à Namugongo en Ouganda et à Bangui en République centrafricaine, il a réaffirmé aussi quelques unes de ses convictions sur la nécessaire solidarité des croyants face à la désespérance de nos contemporains : le rôle essentiel des religions dans la société, l’urgence de surmonter le scandale de la division des chrétiens. De fait, comment les appels à la solidarité des chrétiens pourraient-ils être entendus des hommes et femmes de bonne volonté si les communautés auxquelles ils appartiennent continuent d’être divisées, de s’inscrire dans des logiques de concurrence ou de rester indifférentes aux épreuves qui frappent chacune d’entre elles ?

Ainsi, les œcuménistes regardent avec inquiétude l’éventualité d’un nouveau report de la réunion du saint et grand Concile panorthodoxe ou la crise qui vient d’ébranler l’Archevêché des paroisses de tradition russe du Patriarcat de Constantinople et l’Institut de théologie orthodoxe Saint Serge ? Comme le rappelait Jean-Paul II, en 2001,

« Une spiritualité de la communion, cela veut dire la capacité d’être attentif, dans l’unité profonde du Corps mystique, à son frère dans la foi, le considérant donc comme “l’un des nôtres”, pour savoir partager ses joies et ses souffrances, pour deviner ses désirs et répondre à ses besoins, pour lui offrir une amitié vraie et profonde. Une spiritualité de la communion est aussi la capacité de voir surtout ce qu’il y a de positif dans l’autre, pour l’accueillir et le valoriser comme un don de Dieu : un “don pour moi”, et pas seulement pour le frère qui l’a directement reçu. Une spiritualité de la communion, c’est enfin savoir “donner une place” à son frère, en portant “les fardeaux les uns des autres” (Ga 6,2) et en repoussant les tentations égoïstes qui continuellement nous tendent des pièges… » Lettre apostolique Novo Millennio Ineunten° 43.

C’est dans cet esprit que nous portons dans la prière ces épreuves récentes de l’Orthodoxie, accueillant aussi pour nous en enrichir divers aspects de son histoire et de sa vie présentés dans notre dossier : sa mémoire blessée par les Croisades, sa recherche d’un statut dans la société française, ses souffrances au temps de la persécution soviétique ou la réflexion anthropologique de Maxime le Confesseur, l’une des références majeures de son ressourcement patristique. Nous sommes heureux d’accueillir parmi ces contributions les travaux de deux jeunes chercheurs. Que ce dossier nous aide à vivre cette « spiritualité de communion » sans laquelle l’unité des chrétiens ne progressera pas !

Istina