Cette vaste synthèse proposée par des spécialistes reconnus présente l’histoire des protestants français comme celle d’une minorité active et diversifiée dans un pays fortement marqué par le catholicisme, et de ce fait au profil singulier en Europe. Cet angle d’approche est illustré sur la couverture par le blason des protestants de la France libre portant le mot d’ordre « Résistez ». Il apparaît aussi dans la structure de l’ouvrage, distinguant deux grandes périodes, de part et d’autre de la césure de la Révolution française.
Une première partie, rédigée par M. Carbonnier-Burkard, est organisée autour d’édits qui ont ponctué l’évolution de la place de cette minorité protestante clandestine, puis politisée, reconnue, refoulée, résistante et finalement en quête de reconnaissance. Dans la deuxième partie du livre, Jean Baubérot présente, en référence aux trois seuils de laïcisation qu’il a contribué à définir, les refondations de cette minorité active en voie de reconnaissance, puis considérée comme « sage » et « pas sage » par l’administration, laïque et républicaine, en mutation dans la France laïque, cherchant à se situer entre conflits politiques, œcuménisme et sécularisation et finalement recomposée.
En sus de cette structuration éclairante et des réflexions finales sur l’avenir d’un protestantisme qui pourrait connaître une « cassure interne » (p. 495), le lecteur sera sensible au souci des auteurs de faire régulièrement le point sur le nombre de ces protestants et sur leur composition sociale, jusqu’à intégrer de récents sondages (p. 466 s.). Il remarquera aussi que cette histoire fait bonne place au protestantisme évangélique et que les missions n’ont pas été oubliées, à la différence de recherches sur la liturgie. Sans doute regrettera-t-il quelques autres lacunes ou imprécisions : l’absence de mention du souci de l’unité aux origines des diaconesses de Reuilly (p. 329), de la dimension interconfessionnelle de la CIMADE (p. 412-413) ou l’évocation tardive de l’entrée de baptistes dans la Fédération protestante de France (p. 385 et 427), alors que la FEEBF y adhéra dès 1916. Il ne sera sans doute guère étonné de la brièveté de la mention de Taizé (p. 432 et 462), mais davantage que le pentecôtisme soit encore présenté comme né aux États-Unis (p. 394 et 516), que rien ne soit dit de l’Union de prière de Charmes ou que soit écorché le nom du pasteur Thomas Roberts (p. 394). Ces quelques remarques ne retirent rien aux grandes qualités de cette belle synthèse qui est enrichie de deux cahiers de 16 illustrations en couleur et de quelques cartes et complétée par un bon glossaire, une bibliographie et index des personnes citées.
Michel Mallèvre
Jean Baubérot & Marianne Carbonnier-Burkard, Histoire des protestants. Une minorité en France (XVIe-XXIe siècle), Paris, Ellipses (Coll. « Biographies et Mythes historiques »), 2016 ; 576 p. 26 €. ISBN : 9-782340-015210.
Recension publiée dans la revue Istina, 2017/3.