L’œuvre d’Éphrem de Nisibe (306-373) est plutôt associée à des commentaires bibliques et surtout à des hymnes doctrinales ou liturgiques. Dominique Cerbelaud, qui a traduit de telles compositions poétiques chez d’autres éditeurs, nous offre ici une édition savante d’ouvrages polémiques bien particuliers.
Les cinquante-six hymnes contre les hérésies, introduites chacune très sobrement, fustigent en effet des personnages déjà dénoncés dans ses Réfutations de Marcion, Bardesane et Mani. Mais les hymnes XXII-XXIV y ajoutent d’autres adversaires : groupuscules judéo-chrétiens (sabbatiens et quqites), des juifs et divers hérésiarques gnostiques, messaliens et anti-trinitaires des tenants du monarchianisme aux ariens. À la suite d’autres spécialistes, auxquels il apporte des arguments complémentaires, D. Cerbelaud estime que cette liste est probablement le fruit d’une découverte plus tardive de l’importance de l’hérésie arienne à son arrivée à Édesse.
Le traducteur y a joint cinq hymnes contre l’empereur Julien, qui font chacune l’objet d’une introduction plus substantielle : Éphrem y polémique aussi, mais contre l’empereur qui avait tenté de limiter l’influence du christianisme dans l’empire romain. Sa défaite contre les Perses en 363 avait eu aussi pour conséquence la cession de la région de Nisibe à l’ennemi et l’exil d’Éphrem à Édesse. Les quatre hymnes publiées par E. Beck sont précédées d’une pièce isolée intitulée De Ecclesia qui s’inscrit bien dans cet ensemble prolongeant les Carmina Nisibena XVII à XXI. D’ailleurs, le colophon se lit : « Fin des cinq hymnes contre Julien, le roi apostat ».
L’introduction générale, tant pour la partie biographique que pour la présentation des œuvres, cherche seulement à situer les textes présentés. Les deux séries de textes sont suivies d’une « note complémentaire sur les airs et la métrique des hymnes d’Éphrem » ; elle éclaire la signification des indications musicales données pour chaque hymne, qui correspondent à des structures prosodiques précises. Cette publication sobre suit de près le texte syriaque, mais n’hésite pas à le suppléer pour lever des obscurités ou à modifier la présentation de Beck lorsqu’il s’agit de rendre compte de la citation par Éphrem d’une objection d’un opposant (Adv Haer. XXXI, 4). Elle jette une lumière nouvelle sur des aspects parfois négligés de sa personnalité sans craindre d’appeler d’autres études sur la parenté avec Grégoire de Nazianze (p. 33) ou sur la place tardive faite à la « crise arienne » (p. 372). Ce n’est pas son moindre mérite.
Michel Mallèvre
Éphrem de Nisibe, Hymnes contre les hérésies ; Hymnes contre Julien. Tome 1 : Hymnes contre les hérésies I-XXIX. Texte critique du CSO : Edmund Beck. Introduction, traduction, notes et index : Dominique Cerbelaud, Paris, Éd. du Cerf (coll. « Sources chrétiennes », n° 587), 2017 ; 517 p. 54 €. ISBN : 978-2-204-11755-5 – ISSN : 0750-1978.
–, Hymnes contre les hérésies ; Hymnes contre Julien. Tome 2 : Hymnes contre les hérésies XXX-LVI et Hymnes contre Julien. Texte critique du CSO : Edmund Beck. Introduction, traduction, notes et index : Dominique Cerbelaud, Paris, Éd. du Cerf (coll. « Sources chrétiennes », n° 590), 2017 ; 547 p. 54 €. ISBN : 978-2-204-12638-0 – ISSN : 0750-1978.
Recension publiée dans la revue Istina, 2018/1.