En 25 contributions, le colloque 2015 de l’Institut supérieur d’études œcuméniques de Paris a dressé un état des lieux du mouvement œcuménique contemporain. Pour expliquer ses avancées récentes, et ses blocages persistants, le livre s’ouvre par des réflexions sociologiques. Il revient à Jean-Paul Willaime de repérer les mutations sociétales et religieuses qui affectent les relations interecclésiales. Parmi les facteurs d’évolution du paysage chrétien, est notamment souligné celui des migrations, avec deux chapitres consacrés à cette question : Marta Bernardini pour le monde protestant italien, et Joseph Yacoub pour les chrétiens orientaux en France. De manière intéressante, on montre également que les débats sociétaux (la place des personnes homosexuelles par exemple) affectent aussi l’unité au sein des familles d’Églises, l’évêque Robert Innes en faisant la démonstration pour la Communion anglicane.
Vient ensuite une section consacrée aux « résistances à la démarche œcuménique » avec d’abord deux contributions de Louis Schweitzer pour le protestantisme évangélique et d’Alexandre Siniakov pour le monde orthodoxe, où sont donnés des exemples d’opposition frontale à la recherche de l’unité des Églises ; avec ensuite un chapitre de Matthias Wirz qui, dans les Églises luthéro-réformées, relève surtout une « perte de pertinence de la notion d’unité ou de celle de séparation confessionnelle », tandis que Jean-François Chiron évoque quelques « résistances magistérielles à l’œcuménisme » dans l’Église catholique.
On trouve aussi dans ce livre plusieurs rappels – sans originalité – de la compréhension de l’unité à l’œuvre dans différentes traditions ecclésiales (catholique, luthéro-réformée, orthodoxe), suivis d’une présentation, plus neuve, de Raymond Pfister pour le monde pentecôtiste.
Ensuite, l’ouvrage braque successivement le projecteur sur différentes réalités œcuméniques actuelles, bien choisies, certaines très anciennes (le Groupe des Dombes), d’autres plus récentes (le Forum chrétien mondial). Deux frères de la communauté de Taizé présentent les rencontres qui y sont organisées pour les jeunes, où ils sont invités à « donner plus de visibilité à [leur] identité commune, au lieu de souligner [leurs] identités confessionnelles ». Brigitte Cholvy traite de l’institut œcuménique de théologie Al Mowafaqa au Maroc pour la formation des agents pastoraux catholiques et des pasteurs protestants subsahariens ; avec justesse, elle relève que « la pauvreté fait germer des idées qu’on n’aurait probablement pas dans une situation d’abondance, ou plutôt qu’on n’oserait pas avoir, voyant tous les empêchements ». Priscille de Poncins s’intéresse aux collaborations interconfessionnelles en matière de sauvegarde de la création, tandis que Bruno Berthon témoigne de l’importance des rassemblements de chrétiens de sensibilité charismatique, catholiques et pentecôtistes. Enfin, dans son étude historique des groupes œcuméniques locaux, Françoise Lautmann récuse « l’idée reçue d’un œcuménisme qui piétine » et relève au contraire « une nette progression des activités œcuméniques programmées pour l’ensemble des paroisses étudiées ».
Franck P. Lemaître
Michel Mallèvre (dir.), L’unité des chrétiens. Pourquoi ? Pour quoi ?, Paris, Cerf (coll. « Patrimoines »), 2016 ; 312 p. 30 €. ISBN : 978-2-204-11325-0.
Recension publiée dans la revue Istina, 2019/3.