Description
Ce livre cherche à illustrer la forte croissance du nombre de chrétiens évangéliques / pentecôtistes en Asie du Sud-Est – « une des évolutions majeures » du paysage mondial, selon ses auteurs – et à expliquer cette « ferveur conquérante ». Ce sous-continent représente en effet pour le Mouvement de Lausanne une cible privilégiée, parce qu’y demeurent des « bastions » de résistance au message de l’Évangile.
Dans les seize contributions de cet ouvrage collectif, il est d’abord question du rôle joué par les missionnaires anglo-saxons, par exemple dans l’expansion des Assemblées de Dieu en Birmanie, ou celle des Églises Foursquare au Cambodge. On y traite aussi de certains organismes originaux, tels que le Summer Institute of Linguistics qui œuvre auprès des peuples de langues minoritaires, les alphabétise dans leur langue maternelle, et collabore avec les locuteurs natifs à la traduction de la Bible, en unissant ainsi « missiologie et traductologie ethnographique ».
Il est aussi question de dynamiques missionnaires entre pays asiatiques, par exemple du rôle des pasteurs vietnamiens au Cambodge, ou des pasteurs hongkongais en Thaïlande. Un chapitre s’intéresse en particulier à l’Église pentecôtiste du Plein Évangile fondée par le Coréen David Cho Yonggi en 1958 (780 000 fidèles), qui envoie des missionnaires dans 64 autres pays.
L’évaluation par les auteurs du fonctionnement de ces Églises, qui pourrait expliquer leur succès, n’est pas uniforme. Ainsi, quand Hui-Yeon Kim relève une « structure pyramidale » permettant au pasteur de contrôler son Église (p. 215), S. Fath décrit au contraire un « christianisme grass-root », avec une ecclésiologie de type bottom-up où « la communauté des fidèles détient une large part de l’autorité légitimante qui permettra, ou non, au pasteur ou au prophète d’asseoir son statut d’interprète des Écritures » (p. 307).
Certaines études permettent de relativiser des théories trop généralisantes. C’est ainsi que le pentecôtisme singapourien étudié par Gwendoline et Yannick Fer prouve qu’une « société postindustrielle bénéficiant d’un niveau élevé d’éducation et de revenus ne connaît pas inéluctablement une perte d’emprise de la religion » ; en d’autres termes, qu’il faut « réviser les théories de la sécularisation liant postmodernité et déclin des religions » (p. 262).
Les perspectives comparatistes en fin d’ouvrage permettent aussi de dépasser certains clichés. Même si souvent le missionnariat évangélique en Asie du Sud-Est s’est exercé auprès de populations en marge des cultures dominantes de leur pays de résidence, les contributeurs relèvent toutefois, qu’à la différence de l’Afrique et de l’Amérique latine, le pentecôtisme asiatique ne se diffuse pas seulement auprès des plus pauvres, mais qu’il irrigue l’ensemble des classes sociales.
Franck P. Lemaître