Description
Quatre-vingts ans après sa fondation, le rayonnement de Taizé ne fléchit pas et la communauté ou son fondateur continuent de susciter des monographies (cf. p. ex. Istina, LXI, 2016, p. 284). Professeure d’histoire contemporaine à l’Université de Modène et Reggio Emilia, Silvia Scatena nous offre une étude remarquable dans laquelle l’expérience de Taizé, plutôt que l’itinéraire de son fondateur, est approchée « avec les “outils” propres au travail historique ».
Publiée d’abord en italien en 2018, elle se penche sur les trente premières années de la communauté, depuis ses origines dans une « confrérie d’intellectuels protestants », à la fin des années 30, jusqu’au concile des jeunes en 1974, même si un ultime chapitre esquisse la trajectoire ultérieure. L’auteure s’explique sur cette délimitation en identifiant, au début des années 70, un tournant tant sur le plan de l’évolution interne de Taizé que sur celui de son image publique : « de celle d’un centre monastique de l’œcuménisme francophone à celle d’un point de rencontre d’une sorte d’Église œcuménique en gestation, peu soucieuse des étiquettes confessionnelles, et d’un haut-lieu chrétien très singulier de socialisation européenne » (p. 22-23). La communauté connaît alors une sorte de « deuxième commencement ».
En neuf chapitres suivant les grandes étapes de cette première phase de l’histoire de Taizé, Silvia Scatena analyse le projet communautaire, ses débuts à Genève, la crise du groupe suisse, le monastère protestant, les difficultés avec l’Église réformée de France [ÉRF] à la fin des années 50, l’ouverture œcuménique, les années Vatican II et la quête d’une nouvelle « création commune ». L’ultime chapitre propose des notes sur l’élargissement de la décennie conciliaire, qui accorde une large place au combat de frère Roger pour l’hospitalité eucharistique, que lui accorde Mgr Le Bourgeois, en septembre 1972, et aux tensions avec la Congrégation pour la doctrine de la foi sur la « double appartenance », et sur la réconciliation sans reniement par les non-catholiques de leurs familles confessionnelles d’origine, malgré les invitations au passage à l’exemple de Newman.
Complétée par un cahier de 16 pages d’illustrations (43 photos), cette étude montre bien la « capacité d’intégration empirique d’une variété significative d’orientations, d’exigences, de recherches et d’expériences » de Taizé et comment la « passion d’unité » en fut l’axe intégrateur.
Michel Mallèvre