Visser ‘t Hooft, 1900-1985

Une recension publiée dans la revue Istina, 2021/3.

Jurjen A. Zeilstra, Visser ‘t Hooft, 1900-1985. Living for the Unity of the Church, trad. Henry Jansen, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2020 ; 598 p. 39,95 €. ISBN : 978-94-6372-683-2.

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Description

Willem A. Visser ‘t Hooft, né aux Pays-Bas en 1900, fut la figure dominante du mouvement œcuménique du xxe siècle. À l’âge de 24 ans seulement, il représentait l’Union chrétienne de jeunes gens [YMCA] à la Conférence universelle du christianisme pratique [Life and Work] de 1925 à Stockholm ; en 1938, il a été nommé secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises [COÉ] « en cours de formation », puis en 1948, son premier secrétaire général.

Le sous-titre de cette nouvelle biographie – « Living for the Unity of the Church » – traduit bien la manière dont l’œcuménisme est devenu la vie et la passion de Visser ‘t Hooft. Lorsqu’un journaliste néerlandais lui a demandé, lors de son départ à la retraite en 1966, s’il allait se retirer des activités du COÉ, Visser ‘t Hooft a répondu : « Il ne m’est pas possible de me retirer… des grandes questions œcuméniques, pour la simple raison que toute ma vie est liée à ces questions et que je n’ai pas d’autre intérêt majeur dans le monde que celui-là » (p. 444).

Publié en anglais l’année qui a marqué le 120e anniversaire de la naissance de Visser ‘t Hooft, ce livre est une traduction de la biographie en néerlandais de Jurjen Zeilstra, Visser ‘t Hooft 1900-1985. Een leven voor de oecumene (Middelbourg, Skandalon, 2018).

Cette biographie de 598 pages couvre la vie de Visser ‘t Hooft, depuis sa naissance dans une famille aristocrate de Harlem jusqu’à sa mort à Genève en 1985 ; la période de la Deuxième Guerre mondiale, pendant laquelle il a entretenu des contacts avec la résistance allemande à Hitler et a été le point central d’une voie de communication conspiratoire entre les Pays-Bas et le gouvernement néerlandais en exil à Londres ; son rôle personnel dans la fondation et la formation du COÉ ; les débats théologiques et œcuméniques auxquels Visser ‘t Hooft a pris part.

Des chapitres distincts traitent des efforts qu’il a déployés pendant la Guerre froide pour que les Églises orthodoxes de Russie et d’Europe de l’Est deviennent membres du COÉ, ainsi que des contacts entretenus avec l’Église catholique romaine pendant la période qui a précédé le concile Vatican II et au-delà.

Ce qui ressort clairement de ce livre, c’est que Visser ‘t Hooft considérait la fondation du COÉ en 1948 – qui comprenait alors essentiellement des Églises protestantes et anglicanes et une poignée d’Églises orthodoxes, dont le patriarcat œcuménique –, non pas comme une fin en soi, mais comme une étape vers une réunification beaucoup plus large de la chrétienté.

Dès 1933, dans son livre Le catholicisme non romain, « Visser ‘t Hooft avait déjà conclu que l’orthodoxie orientale était une partie indispensable du monde » (p. 361), tandis qu’il revenait de sa première visite à Rome en 1932 avec le sentiment que le monde catholique romain n’était pas aussi « solide et monolithique » que les protestants le pensaient souvent (p. 403). Il invita dix observateurs catholiques romains à la première assemblée du COÉ à Amsterdam, mais ils ne parvinrent pas à obtenir la permission des autorités catholiques (p. 404). Dans les années 1950, il développa un « lien personnel » avec son compatriote catholique, Johannes Willebrands, et se rapprocha du centre Istina en vue de contacts informels avec les catholiques. Cependant, en 1959, les relations avec son directeur, Christophe Dumont, furent irrémédiablement rompues à la suite d’un incident survenu au Comité central du COÉ à Rhodes, lorsque Willebrands et Dumont organisèrent leurs propres contacts bilatéraux individuels avec les orthodoxes (p. 411-414).

Zeilstra raconte que le point culminant de l’activité de Visser ‘t Hooft en tant que secrétaire général du COÉ et de sa vision de la réunification de la chrétienté se situe au début des années 1960. L’intégration du Conseil international des missions en 1961, lors de la 3e assemblée du COÉ à New Delhi, permit aux Églises du Sud d’en devenir membres, en même temps qu’était acceptée l’adhésion au COÉ de l’Église orthodoxe russe et d’autres Églises orthodoxes d’Europe orientale. Ce fut une « période d’euphorie » (p. 422) pendant laquelle l’Église catholique romaine se préparait au concile Vatican II, qui allait conduire à une réévaluation de ses relations œcuméniques et même à l’examen – finalement abandonné – de l’adhésion au COÉ.

Au moment de la retraite de Visser ‘t Hooft en 1966, une appréciation plus mesurée du contexte avait commencé à s’imposer. Selon Zeilstra, « Les Églises orthodoxes ont cherché le contact sans vouloir se changer elles-mêmes ; l’Église catholique romaine a reculé devant les conséquences de son propre concile Vatican II lorsqu’il est devenu clair que la modernité avait commencé à prendre racine dans l’Église elle-même » (p. 541). En même temps, il y avait « une vague d’émancipation, un pluralisme croissant et des demandes de participation [qui] ont surpris Visser ‘t Hooft dans ses dernières années en tant que secrétaire général » (ibid.).

À la retraite, écrit Zeilstra, Visser ‘t Hooft a continué à revenir sur la « question majeure qu’il avait dû laisser passer sans la résoudre » : les relations entre le COÉ et l’Église catholique romaine. Il était convaincu que le renouveau des Églises et la crédibilité de l’Évangile dépendaient d’un nouveau rapprochement entre le protestantisme et le catholicisme (p. 511). Son attention s’est portée sur « les théologiens universitaires catholiques romains progressistes et il a voulu prendre position pour une réception plus constructive des résultats de leurs travaux par la hiérarchie catholique romaine » (p. 542).

La biographie de Zeilstra[1] sur le premier secrétaire général du COÉ est un apport important aux ressources pour l’étude de l’histoire de l’Église du xxe siècle et du mouvement œcuménique : avec un index détaillé des noms et des sujets et de nombreuses références, ce livre s’avérera inestimable pour les futurs chercheurs.

Stephen Brown

[1] Une version allemande de la biographie a également été publiée : J. Zeilstra, Willem Adolf Visser ‘t Hooft. Ein Leben für die Ökumene, trad. Katharina Kunter, Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt, 2020.

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