Éditorial 2021/1 : Tout œcuménisme est baptismal

Cette affirmation du récent Vademecum œcuménique (§ 25), publié par le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens à l’intention des évêques, rappelle le fondement de la « fraternité retrouvée » après Vatican II, lorsque l’Église catholique mit fin à des siècles d’incon­séquence : d’une part, elle reconnaissait, du moins en principe, le baptême des autres communions chrétiennes qui partagent sa foi trinitaire ; d’autre part, elle les considérait souvent avec distance ou mépris. En affirmant que les baptisés de ces autres communautés « se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique » et que ces com­munautés sont des « instruments de salut » dont l’Esprit saint ne refuse pas de se servir (décret Unitatis redintegratio no 3), le concile a de fait posé les fondements d’une marche vers l’unité dont l’un des beaux fruits fut la signature de déclarations christologiques communes avec des Églises orientales séparées depuis le ve siècle.

La fraternité retrouvée avec ces Églises, le pape François l’a vécue lors de son récent voyage en Irak, qui n’eut pas seulement une dimension interreligieuse. Le dimanche 7 mars, à Erbil, il a salué son « frère » le catholicos-patriarche Mar Gewargis III, de l’Église assyrienne de l’Orient, qui assistait à l’eucharistie catholique avec l’archevêque syrien orthodoxe de Mossoul, Nicodemus Daoud Matti Sharaf, et le métropolite Ghattaz Hazim de Bagdad et du Koweït du patriarcat grec orthodoxe d’Antioche. Et le pape d’évoquer l’accomplissement de la communion baptismale vécue dans « l’œcuménisme du sang » sur cette terre : « Nos martyrs resplendissent ensemble, étoiles dans le même ciel ! De là-haut ils nous demandent de marcher ensemble, sans hésiter, vers la plénitude de l’unité. »

Les acquis de soixante années de dialogue ne permettraient-ils pas à ceux qui sont ainsi unis par le baptême de passer de cette simple assistance à la messe au partage d’une même eucharistie ? Plusieurs rapports de dialogue ont demandé que l’Église catholique envisage la possibilité d’une hospitalité eucharistique réciproque lorsqu’elle est parvenue avec son partenaire à un consensus suffisant sur la foi. En ce sens, le récent document œcuménique Ensemble à la table du Seigneur estime possible une invitation mutuelle au repas du Seigneur des fidèles des communions signataires d’une reconnaissance mutuelle du baptême en Allemagne…

La Congrégation pour la doctrine de la foi a contesté que catholiques et protestants soient parvenus à un tel consensus suffisant sur l’eucharistie et les ministères et le cardinal Koch a regretté une discordance entre accords doctrinaux et pratiques ecclésiales qui met en cause les acquis de leur dialogue, relevant notamment que certaines Églises protestantes semblent relativiser ce lien entre baptême et eucharistie en invitant à la cène même des personnes non baptisées. D’autres problèmes œcuméniques apparaissent dans les documents présentés dans ce numéro. D’une part celui, posé par les Églises de professants, de l’authenticité biblique du baptême d’enfants qui ne sont pas capables de professer leur foi. D’autre part celui, soulevé par le magistère catholique, de l’invalidité d’un baptême administré avec la formule « Nous vous baptisons » par des ministres qui entendaient souligner le rôle de la communauté et de sa foi.

Alors que la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises vient de publier plusieurs documents qui témoignent de la complexité de la situation actuelle, marquée par une pluralité de compré­hensions de la nature de l’Église et par des divergences d’approche des grands problèmes éthiques, force est de constater que, près de quarante ans après la publication du fameux BEM, plusieurs dialogues estiment nécessaire de revisiter la signification du baptême et de s’interroger sur les implications ecclésiologiques de sa reconnaissance mutuelle.

En attendant la publication du rapport Baptême et communion ecclésiale croissante de la Commission internationale catholique – luthérienne sur l’unité, nous proposons une lecture du rapport d’une autre instance qui a abordé le même sujet : Baptême et incorporation dans le Corps du Christ, des conversations trilatérales entre catholiques, luthériens et mennonites. Nous avions demandé à des théologiens méthodistes et réformés, appartenant donc à des communions signataires de la Déclaration commune luthéro-catholique sur la justification, d’exprimer leur point de vue personnel sur ce document trop long pour être ici publié. Nous regrettons que la théologienne presbytérienne sollicitée n’ait pu nous livrer son analyse, mais les lecteurs d’Istina bénéficieront de la présentation d’ensemble de ce document par un membre catholique et de l’écho qu’il a suscité chez l’évêque des méthodistes d’Europe du Sud et centrale.

Ce premier numéro de l’année 2021 est aussi l’occasion pour la rédaction d’exprimer sa chaleureuse gratitude à Guy de Keersmaeker et Jean-Laurent Pinard, qui se retirent après des années d’intense collaboration au service de la diffusion de notre revue.

Istina