Le synode gréco-catholique de Lviv en 1946 : un montage soviétique – Serge MODEL

5,00 

Acquisition du fascicule imprimé :

Article publié dans la revue Istina, 2022/3.
Pour acquérir ce fascicule, cliquer ici.

Acquisition de l’article au format PDF :

Pour acquérir l’article au format PDF, l’ajouter au panier.

Description

Résumé : L’on soupçonnait depuis longtemps que le synode de Lviv des 8-10 mars 1946, durant lequel l’Église gréco-catholique en Ukraine soviétique abrogea son union avec Rome – décidée au concile de Brest (Brest-Litovsk) de 1596 – pour intégrer l’Église orthodoxe russe, avait été organisé sur ordre des autorités politiques soviétiques. Les documents d’archives désormais déclassifiés des services secrets de l’URSS permettent de démontrer que cet événement ecclésiastique qui avait conduit à la liquidation artificielle d’une Église bien vivante fut pensé ab initio comme une manœuvre politique par Staline, et mis en œuvre par les efforts conjoints de la direction du Parti communiste soviétique, des structures de l’État et des organes de sécurité en Ukraine, en collaboration avec le patriarcat de Moscou. La présente étude analyse ces documents, qui démontrent définitivement et irréfutablement le caractère de « montage » de cette page tragique de l’histoire des Églises sur le territoire soviétique.

Abstract : It has long been suspected that the Lviv Synod of 8-10 March 1946, during which the Greek-Catholic Church in the Soviet Ukraine abrogated its union with Rome – decided at the Brest (Brest-Litovsk) Council of 1596 – to integrate the Russian Orthodox Church, was organized on the orders of the Soviet political authorities. The now declassified archival documents of the secret services of the USSR show that this ecclesiastical event which had led to the artificial liquidation of a living Church was conceived ab initio as a political maneuver by Stalin and implemented through joint efforts of the leadership of the Soviet Communist Party, state structures and security bodies in Ukraine, in collaboration with the Moscow Patriarchate. The present study analyses these documents, which definitively and irrefutably demonstrate the “montage” character of this tragic page in the history of the Churches on the Soviet territory.

Auteur : Doctorant à l’Université catholique de Louvain (Belgique), spécialiste de l’Église orthodoxe russe.

Extrait de l’article : Personne (ou presque) ne doute plus, aujourd’hui, du caractère fabriqué du synode de Lviv des 8-10 mars 1946. Lequel synode vit l’Église gréco-catholique d’Ukraine soviétique abroger l’union avec Rome – décidée au concile de Brest (Brest-Litovsk) de 1596 – pour intégrer l’Église orthodoxe russe.

Depuis longtemps, les catholiques, certains orthodoxes et la plupart des historiens avaient dénoncé l’intervention des autorités politiques soviétiques dans l’organisation de cet événement religieux. Ils avaient relevé les étapes de la liquidation artificielle d’une Église bien vivante de quatre millions de fidèles, combinant « les méthodes de lutte antireligieuse des Soviets […] avec certains des stratagèmes qui avaient été employés par le régime tsariste pour convertir les uniates ». Après que Staline eut récupéré l’Ukraine occidentale en 1944-1945, une virulente campagne de presse fut déclenchée, accusant les gréco-catholiques de nationalisme et de collaboration avec les Allemands durant la guerre : l’épiscopat fut arrêté in corpore et condamné aux travaux forcés. L’Église ainsi décapitée fut dotée d’une nouvelle « direction » prorusse ; le patriarcat de Moscou lança à celle-ci un appel à le rejoindre, et, finalement, l’union avec Rome fut dénoncée à main levée et à l’unanimité au synode de Lviv (organisé à dessein 350 ans après celui de Brest) sous l’œil des caméras. Le clergé gréco-catholique qui n’était pas détenu, émigré ou entré en clandestinité fit formellement allégeance au patriarcat, toute pratique « uniate » fut interdite et les édifices, transférés à l’Église orthodoxe. L’Église gréco-catholique disparut ainsi officiellement d’Ukraine, pour ne renaître qu’à la fin des années 1980, à la faveur de la perestroïka gorbatchévienne et de la désagrégation de l’Union soviétique. Et si les documents publiés par l’Église russe ont longtemps affirmé la dimension « spontanée » du « concile de Lvov » et les responsables du patriarcat de Moscou assuré de son caractère « canonique », un collectif de chrétiens orthodoxes a appelé en 2016 à reconnaître « la terrible vérité du 10 mars 1946 » et à demander pardon « pour toutes les victimes innocentes de l’Église [gréco-catholique] qui furent emprisonnées, torturées, déportées et assassinées par le gouvernement soviétique avec la complicité du patriarcat de Moscou ».

De fait, des documents des archives soviétiques déclassifiés ces dernières années permettent d’établir que ce synode de 1946, non seulement se déroula sous la pression des autorités civiles, mais fut pensé ab initio par Staline comme une manœuvre politique, fruit des efforts conjoints de la direction du Parti communiste de l’URSS, des structures de l’État et des organes de sécurité en Ukraine, en collaboration avec l’Église orthodoxe russe.

Aller en haut