Istina : un centre d’études œcuméniques

Jalon historique – 1927 : Istina naît d’une migration

Après la Révolution bolchevique, des citoyens russes, majoritairement orthodoxes, s’installent en France. Dix ans plus tard, Istina naît à Lille de cette recomposition du paysage ecclésial français et des relations interconfessionnelles nouvelles que cette migration génère.

De manière assez typique de leur tradition, les dominicains (un ordre religieux catholique, né au XIIIe siècle) créent en 1927 un « centre d’étude », avec une bonne bibliothèque, pour mieux comprendre la situation religieuse en Russie, le monde orthodoxe russe et les relations catholiques – orthodoxes. Ils lui donnent le nom d’Istina [истина], expression slave de la devise de leur Ordre (Veritas). Puis ils commencent à partager les fruits de leurs recherches en publiant une revue spécialisée (Russie et chrétienté [1]).

Un défi contemporain : le risque du statu quo œcuménique

Certains estiment qu’en œcuménisme tout va bien ; que les grandes réconciliations sont faites, que les relations inter-ecclésiales sont aujourd’hui pacifiques, qu’il y a d’autres urgences, en matière interreligieuse par exemple.

Or, en ce début de XXIe siècle, différents facteurs (de nouvelles migrations notamment) génèrent des recompositions du paysage ecclésial, qu’il semble important d’étudier d’un point de vue théologique, et non pas seulement sociologique. En effet émergent aujourd’hui de nouvelles manières d’être chrétien et de comprendre l’unité de l’Église. Avec ces communautés chrétiennes – et leurs compréhensions de l’Évangile et du salut – apparaissent des clivages confessionnels nouveaux, qui rendent nécessaires d’autres dialogues ; des chantiers auxquels Istina veut contribuer en poursuivant la recherche théologique en œcuménisme.

Un chantier actuel : pour un œcuménisme « aux périphéries »

Le centre Istina vise un « œcuménisme en sortie », en développant des compétences au sujet des Églises de création récente, qui ne se rattachent pas directement aux traditions chrétiennes historiques – des communautés indépendantes, parfois dites « non-dénominationnelles », souvent aux marges du monde évangélique et pentecôtiste, quelques méga-Églises… – en cherchant à établir des liens nouveaux, aux périphéries du mouvement œcuménique. En veillant à ces « nouvelles frontières » de l’œcuménisme, Istina s’inscrit résolument dans le projet du Forum chrétien mondial d’ « élargir la rencontre et le dialogue entre les Églises »[2], en cherchant comment « inclure les manifestations les plus récentes du christianisme »[3].

Prendre acte des profonds changements dans la géographie de la chrétienté

« L’augmentation rapide et exponentielle d’Églises libres, autochtones, de groupements évangéliques et charismatiques et surtout de communautés et mouvements pentecôtistes revêt une importance majeure. Avec environ 400 millions de membres, elles constituent numériquement la deuxième communauté chrétienne après l’Église catholique romaine et représentent un immense défi commun pour toutes les Églises et communautés ecclésiales partout dans le monde. L’expansion de ce phénomène est telle qu’il faut parler actuellement d’une « pentecôtalisation de la chrétienté » et que l’on peut être tenté de percevoir dans ce phénomène une « quatrième forme fondamentale de l’être chrétien », à côté des orthodoxes et des Églises orthodoxes orientales, de l’Église catholique et des Églises et communautés ecclésiales issues de la Réforme. »

Cardinal Kurt Koch, « Cinquante ans après Vatican II. Les défis de l’œcuménisme aujourd’hui », in Documents Épiscopat, 2016-12, p. 18.

 

Le défi des communautés non-dénominationnelles

« Un nouveau défi est lancé par la croissance – partiellement engendrée par la globalisation – des communautés dites non dénominationnelles. Elles rassemblent au niveau mondial trois fois plus de chrétiens que les héritiers de la Réforme. On les associe trop souvent et à tort aux Églises pentecôtistes ou évangéliques historiques. La grande majorité de ces évangélistes ne s’en réclament pas. Rechercher la communion avec ces communautés aux identités ecclésiales inédites exige de nouveaux dialogues et de nouveaux efforts. »

André Birmelé, in Réforme, n° 3687, 5/01/2017, p. 14.

 

Un œcuménisme en mutation

« Le nombre des dénominations s’est multiplié de façon exponentielle et le repérage des grands ensembles s’est brouillé tant sur le plan géographique que théologique. Le centre de gravité du christianisme a basculé dans l’hémisphère sud de la planète, changeant au passage ses priorités et sa manière d’appréhender la théologie. Mais du fait des migrations, toutes les expressions religieuses se retrouvent partout, générant plus d’échanges et de découvertes, mais aussi plus de frottements et de concurrences, voire de durcissements identitaires. […]

Aujourd’hui, les échanges œcuméniques s’élargissent à de nouveaux partenaires. Le monde évangélique et pentecôtiste, soit un quart du christianisme mondial, jusqu’ici en retrait, et lui-même institutionnellement très émietté, entre en dialogue. »

Groupe des Dombes, « Vous donc, priez ainsi ». Le Notre Père, itinéraire pour la conversion des Églises, Montrouge, Bayard, 2011, p. 19.


[1] Dans son tout premier fascicule (1934/1, p. 4) est exprimé un intérêt pour les « églises de l’émigration ».

[2] Forum chrétien mondial, Message aux Églises, Troisième rassemblement international, Bogota, 2018.

[3] Forum chrétien mondial, Lignes directrices adoptées lors du deuxième rassemblement international à Manado en 2011.