En 2015 s’est tenu à l’université Paris VIII et à l’ÉHESS un colloque sur le traitement religieux de l’homosexualité dans les trois monothéismes : judaïsme, christianisme et islam. Ce livre, édité par Rémy Bethmont et Martine Gross, en reproduit 16 des 24 interventions, complétées par une abondante bibliographie (p. 351-376). En s’en tenant ici aux contributions portant sur le christianisme, on saluera l’effort de prendre en compte les différentes confessions : catholique, anglicane et protestantes (il n’est pas question des christianismes orientaux).
C’est Mark Chapman qui fait état des débats (mariage des couples de même sexe, ministres ordonnés homosexuels…) dans la Communion anglicane, après le rappel par David Jasper de la position des théologiens carolins du XVIIe siècle anglais, en particulier celle de l’évêque Jeremy Taylor et sa « tolérance en toutes choses ».
En ce qui concerne le protestantisme, Anne-Laure Zwilling analyse les textes officiels (publiés entre 1994 et 2014) de certaines Églises et instances protestantes françaises – luthéro-réformées, évangéliques, adventistes… – en étudiant en particulier les arguments bibliques avancés. Jean Vilbas présente ensuite les recherches pastorales et rituelles des paroisses dites « inclusives », qui accompagnent les personnes LGBT [lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres]. Il y est question de la bénédiction des unions de couples de même sexe, de l’accueil à la Sainte Cène comme sacrement de l’hospitalité, ainsi que du baptême comme fondement de l’amour inconditionnel de Dieu.
À propos de l’Église catholique, un chapitre de l’historien Jean-Pascal Gay traite des ambiguïtés du discours théologique à l’époque moderne face à l’homosexualité masculine. Puis Mickaël Durand étudie le mouvement catholique David & Jonathan, qui cherche à réconcilier christianisme et homosexualité. Pour sa part, Cécile Béraud s’intéresse à trois couples catholiques de même sexe, qui se refusent à fréquenter un réseau homosexuel chrétien en lui préférant leur paroisse locale. Il y est, là aussi, question de recherches de ritualisations et de « bricolages » liturgiques pour permettre une certaine reconnaissance des couples (bénédiction de la maison commune…).
Entre monothéismes et homosexualité, la « fin d’un antagonisme » passerait, selon les auteurs, par une réévaluation des traditions herméneutiques. Deux auteurs revisitent donc des textes bibliques : Christopher Meredith pour Genèse 19 (Sodome), et James E. Harding pour 1 & 2 Samuel (David et Jonathan).
Si Philippe Portier, qui préface l’ouvrage, reproche aux religions monothéistes d’être « travaillées par l’obsession de l’homogène » et de « réduire la luxuriance des conduites en les plaçant sous le régime de l’un », il semble que certains auteurs de cet ouvrage collectif souffrent également de cette tendance uniformisante, l’homosexualité – au singulier – étant souvent réduite aux relations matrimoniales, calquées sur celles des couples hétérosexuels.
Franck P. Lemaître
Rémy Bethmont, Martine Gross (dir), Homosexualité et traditions monothéistes. Vers la fin d’un antagonisme ?, Genève, Labor et Fides, 2017 ; 392 p. 24 €. ISBN : 978-2-8309-1623-2.
Recension publiée dans la revue Istina, 2017/4.