Ce très bel ouvrage est la traduction d’une étude, The Dawn of Christian Art, publiée en 2016 par un professeur émérite à l’université de New York connu pour ses travaux critiques vis-à-vis d’interprétations traditionnelles. Il porte sur cinquante-neuf peintures sur panneau de l’Égypte romaine, qui représentent des divinités telles que Sérapis, Isis et Harpocrate, ainsi que plusieurs personnages impériaux, tels que Septime Sévère sous l’apparence d’un dieu. Selon l’auteur, elles sont une source de l’iconographie chrétienne primitive, tant par les motifs représentés et la technique utilisée que par la dévotion dont elles étaient le support.
Son étude se déploie en huit chapitres. Le premier présente les lieux de culte où furent découverts ces panneaux peints de l’Égypte romaine par la fiche d’enregistrement archéologique des pinakes. Le deuxième étudie des documents, païens et chrétiens, qui éclairent les rites religieux liés à ces peintures. Le chapitre trois traite de l’hellénisation du panthéon égyptien, notamment la présentation d’Horus enfant, dont témoignent ces peintures. Le quatrième s’intéresse aux premiers récits qui parlent de l’utilisation d’icônes chrétiennes, comme les Actes de Jean, un apocryphe du IIe siècle, des passages du Contre les hérésies d’Irénée et quelques autres textes des IVe et Ve siècles. Le cinquième chapitre s’interroge sur les antécédents païens de l’iconographie de Marie. Le sixième chapitre examine les images placées sur le templon, la barrière haute devant l’autel d’églises de Constantinople au VIe siècle. Le septième chapitre reprend les travaux d’É. Bolman sur les barrières d’églises égyptiennes, notamment au monastère rouge, proche de Sohag. Le dernier chapitre compare les procédés des peintres et les pratiques cultuelles en Orient et en Occident.
L’intérêt de cette étude, fort bien éditée, est triple : mettre en évidence des liens entre l’art païen et l’art chrétien ; rendre plausible une élaboration beaucoup plus précoce qu’on ne le pensait de ce dernier ; montrer l’enracinement de l’art occidental (détrempe, triptyque) dans ces œuvres païennes. Même s’il peut ne pas convaincre pleinement son lecteur, il a le mérite de renouveler les problématiques sur l’élaboration de l’art chrétien.
Michel Mallèvre
Thomas F. Mathews, Les origines païennes des icônes, avec la collaboration de Norman E. Muller, Paris, Éd. du Cerf, 2016 ; 256 p. 69 €. ISBN : 978-2-204-11046-4.
Recension publiée dans la revue Istina, 2019/2.