Plusieurs événements auront marqué l’actualité religieuse de ces dernières semaines. D’abord le voyage du pape François en Terre Sainte les 25-26 mai, dont les médias ont retenu surtout deux images de son recueillement devant un mur : celui des Lamentations où, à la suite de ses prédécesseurs, il a glissé une prière, mais aussi celui édifié par Israël en Cisjordanie. Moment fort où, dans la ville palestinienne de Bethléem, il a posé son front, au-dessus d’un graffiti en anglais, l’interpellant : « Pape, nous avons besoin de quelqu’un pour parler de justice. »
L’autre événement qui a retenu aussi l’attention est bien sûr le rassemblement, le 8 juin dans les jardins du Vatican, de juifs, chrétiens et musulmans priant successivement pour la Paix, spécialement au MoyenOrient. Une réponse inespérée par sa rapidité à l’invitation adressée par le pape François aux présidents Shimon Peres et Mahrmoud Abbas à la fin de sa visite dans leurs pays. Sans doute de tels temps de prière conjoints de représentants des trois religions monothéistes ne manquent-ils pas de susciter des résistances, malgré les explications données en 1986 par le pape Jean-Paul II après la rencontre d’Assise. Beaucoup s’interrogent aussi avec scepticisme sur leur réelle fécondité. Du moins ont-ils le mérite de manifester que les religions ne sont pas d’abord des facteurs de violence, en contre-point de ce que bien des médias ne cessent de suggérer.
Si l’on a souligné ainsi la dimension politique et interreligieuse de ce voyage, il s’agissait pourtant avant tout d’un pèlerinage œcuménique, marqué par une célébration interconfessionnelle à Jérusalem en la basilique du Saint-Sépulcre. Quelques semaines après la fête de Pâques à une date commune, elle commémorait la rencontre du pape Paul VI et du patriarche Athénagoras qui, en 1964, avaient fait tomber le mur millénaire séparant les « Églises sœurs » de Rome et de Constantinople. Qu’en sera-t-il le 16 avril 2017, date de la prochaine Pâques commune, au cours d’une année qui devrait être marquée par des commémorations du 500e anniversaire de la Réforme ? Cette coïncidence des calendriers sera-t-elle l’occasion d’une nouvelle rencontre fortement médiatisée entre des responsables d’Églises sans autre fruit que la consolidation d’une « fraternité retrouvée » ou l’opportunité d’un pas significatif vers l’unité visible des chrétiens d’Occident divisés depuis un demi-millénaire ?
La place privilégiée du patriarche Bartholomée aux côtés du pape François, tant à Jérusalem qu’au Vatican, pouvait donner l’impression que les relations entre catholiques et orthodoxes sont excellentes. Mais Constantinople n’est pas toute l’orthodoxie… Ainsi, le 2 juin, dans son allocution de bienvenue aux participants du IVe Forum catholique orthodoxe à Minsk, le président du département des relations extérieures 114 du patriarcat de Moscou, le métropolite Hilarion, n’hésitait pas à déclarer à propos de l’engagement de l’Église gréco-catholique d’Ukraine dans la crise politique de ce pays :
« Les proclamations agressives des uniates, des actions destinées à porter atteinte à l’orthodoxie canonique, des contacts actifs avec les schismatiques, l’aspiration à diviser l’Église orthodoxe russe une et plurinationale, ont porté un coup énorme non seulement à l’Ukraine et à ses habitants, mais au dialogue entre orthodoxes et catholiques. Tout cela nous a fait régresser loin dans le passé, nous rappelant les temps où les orthodoxes et les catholiques ne se considéraient pas mutuellement comme alliés, mais comme concurrents. Aujourd’hui se révèle dans toute son évidence ce que les orthodoxes ont toujours su, à savoir que l’uniatisme était et reste malheureusement un projet spécial de l’Église catholique, destiné à miner l’orthodoxie. »
La visite du pape François en Terre Sainte a eu lieu au moment où les citoyens européens étaient appelés à élire les 751 députés représentant les 28 États membres de l’Union européenne. On sait comment les médias se sont focalisés sur la poussée des courants populistes en certains pays comme la France, négligeant le fait que les trois quarts des députés de l’Assemblée de Strasbourg appartiennent à des partis pro-européens. Personne n’a relevé que ces élections se tenaient vingt-cinq ans après le premier Rassemblement œcuménique européen qui, du 15 au 21 mai 1989 à Bâle, avait réuni pour la première fois, des représentants des Églises de toute l’Europe quelques mois avant la chute du mur de Berlin. Aujourd’hui, la crise économique et la crise ukrainienne ont fortement ébranlé les espérances vécues alors et les engagements consignés, en 2001, dans la Charte œcuménique européenne. De fait, d’autres murs se dressent à nouveau pour protéger une Europe vieillissante d’étrangers perçus comme une menace ou séparer deux types de société, dont l’une serait chrétienne et l’autre marquée par « la permissivité en toutes choses, selon laquelle la vie est sanctifiée non par la loi divine, mais par les désirs des hommes », selon les mots du métropolite Onuphre de l’Église orthodoxe d’Ukraine (patriarcat de Moscou).
Dans ce contexte douloureux, il est bon de sentir le souffle de la Pentecôte. Précisément, cette livraison rassemble la plupart des contributions du colloque œcuménique international organisé par la Communauté du Chemin Neuf, en collaboration avec le service international du Renouveau charismatique catholique (ICCRS), du 7 au 10 mars 2013 à St Niklausen (Suisse). Il prolonge la réflexion inaugurée dans un précédent numéro (2012-4) sur la théologie du mouvement pentecôtiste-charismatique. Nous remercions les organisateurs de nous en avoir confié la publication et Anne Cathy Graber d’avoir préparé ce volumineux dossier dont elle a assuré la direction scientifique.
Istina