Alors que les milieux œcuméniques s’activent à préparer la commémoration des 500 ans de la Réforme, un autre anniversaire est passé assez largement inaperçu, celui de l’exécution d’un pré-réformateur, Jean Hus, mort sur le bûcher le 6 juillet 1415, lors du concile de Constance (1414-1418). Le pape François a pourtant reçu à cette occasion, le 15 juin 2015, une délégation de l’Église hussite tchécoslovaque et de l’Église évangélique des Frères tchèques venue à Rome pour célébrer une liturgie pénitentielle de réconciliation avec l’Église catholique. Évoquant aussi la portée œcuménique et missionnaire de la rénovation de l’Église, le pape a rappelé « le profond regret » de la mort du réformateur exprimé en 1999 par le pape Jean-Paul II. Quelques jours plus tard, au temple de l’Église vaudoise de Turin, il soulignait l’échange de dons déjà vécu par les deux communautés et la nécessité pour elles d’unir leurs forces pour annoncer l’Évangile. Mais surtout le pape déclarait : « En réfléchissant sur l’histoire de nos relations, nous ne pouvons que nous attrister face aux conflits et aux violences commises au nom de la foi, et je demande au Seigneur qu’il nous donne la grâce de nous reconnaître tous pécheurs et de savoir nous pardonner les uns les autres. Et à l’initiative de Dieu, qui ne se résigne jamais face au péché de l’homme, que s’ouvrent de nouvelles routes pour vivre notre fraternité ; nous ne pouvons pas nous soustraire à cela. Au nom de l’Église catholique, je vous demande pardon. Je vous demande pardon pour les attitudes et les comportements non chrétiens, même non humains que, au cours de l’histoire, nous avons eus contre vous. Au nom du Seigneur Jésus Christ, pardonnez-nous ! »

Certes, ces conflits peuvent sembler loin, et les adversaires d’hier savent aujourd’hui dialoguer. Comment ne pas réjouir de l’approbation par le Comité de coordination de la Commission internationale catholique-orthodoxe, réuni du 15 au 18 septembre 2015 à Rome, du projet de document « Sur la voie de la compréhension commune de la catholicité et de la primauté dans l’Église durant le premier millénaire », qui sera examiné à la xive session plénière de la Commission en 2016 ? Après le rejet du « document de Ravenne » par l’Église orthodoxe russe, cette nouvelle est incontestablement rassurante sur l’avenir de ce dialogue, même s’il intéresse moins les médias qu’une hypothétique rencontre entre le pape et le patriarche Cyrille !

Les grands défis de notre temps sont aussi l’occasion pour les Églises de donner un témoignage commun. Ainsi à propos de la situation dramatique des réfugiés et de la nécessité de leur plus large accueil en Europe occidentale ; ou bien de l’avenir de la planète, alors que se prépare la conférence de Paris sur le climat, COP21. La question écologique a d’ailleurs fait l’objet d’une nouvelle encyclique du pape François, « Laudato si’ », datée du 24 mai 2015, dont on a souligné la dimension œcuménique du fait de sa référence au combat mené pour la sauvegarde de la création par le patriarche Bartholomée (n° 7-9). De même, sa décision d’instituer une « Journée Mondiale de Prière pour la Sauvegarde de la Création », le 1er septembre, comme cela se fait déjà au sein de l’Église orthodoxe. Et l’on pourrait citer encore sa stigmatisation de la « culture du déchet » avec son appel à la protection conjointe de l’environnement et des victimes de l’exclusion lors de son discours aux Nations-Unies, le 25 septembre 2015 ; ou celui adressé, quatre jours plus tard, par le Conseil d’Églises chrétiennes en France aux responsables politiques et économiques pour qu’ils prennent « les décisions nécessaires pour limiter le réchauffement à 2° C afin que les plus vulnérables de nos frères et sœurs et les générations à venir n’en soient pas davantage victimes. »

Mais d’autres problèmes éthiques sont moins l’occasion d’un témoignage commun que de débats vigoureux menaçant la communion au sein des Églises et entre elles. Ainsi les questions sexuelles et familiales, au cœur de la session du synode des évêques catholiques sur « la vocation et la mission de la famille dans l’Église et le monde contemporain », qui se tient au Vatican du dimanche 4 au Dimanche 25 octobre 2015. Depuis la session synodale de l’an passé, la situation des divorcés remariés a fait l’objet d’un débat sans précédent dans l’Église catholique, comme celle de l’accueil de personnes homosexuelles. Ce dernier point est la cause de nombreuses tensions, en d’autres traditions également : la décision du synode de l’Église protestante unie de France d’ouvrir la possibilité de bénir des couples mariés de personnes de même sexe a ainsi provoqué des contestations vigoureuses de réseaux protestants évangéliques. Elle a également suscité une réaction très négative de l’Église orthodoxe russe qui, le 3 juin 2015, a déclaré inadmissibles ces décisions, se voyant contrainte en conséquence de « réexaminer la forme de ses relations avec les Églises et communautés qui foulent aux pieds les principes de la morale chrétienne traditionnelle. »

Ces débats montrent l’importance croissante des questions éthiques dans le cheminement des Églises vers l’unité. La commission Foi et Constitution, on le sait, y réfléchit depuis plusieurs années : après un document sur l’anthropologie en 2005, elle a présenté récemment une nouvelle étude sur « Le discernement moral dans les Églises ». Avec le texte du dialogue américain anglican-catholique « Ecclésiologie et discernement moral », il fait l’objet de ce numéro. Puisse notre dossier susciter une large réflexion interconfessionnelle et nous aider à dépasser les réactions affectives qui gouvernent trop souvent les prises de position en ce domaine !

Istina