Éditorial 2022/2 : Se rassembler à nouveau !
Après deux années de confinements et l’expérimentation de relations par des moyens numériques, les Églises, comme bien d’autres institutions, reprennent leurs activités selon des modalités plus traditionnelles. Au cours des prochains mois devraient se tenir de grands rassemblements. D’abord la Conférence de Lambeth, dont la quinzième édition, du 26 juillet au 8 août à Cantorbéry, réunira plus d’un millier d’évêques avec leur conjoint ou conjointe représentant les Églises et communautés chrétiennes de quelque 165 pays de la Communion anglicane. Puis la 11e assemblée du Conseil œcuménique des Églises [COÉ], qui rassemblera à Karlsruhe, du 31 août au 8 septembre, plusieurs milliers de participants, dont les délégués des 352 Églises membres venant de 110 pays et représentant plus d’un demi-milliard de chrétiens.
Dans un monde tourmenté par les drames de la guerre, des pandémies, de l’élargissement du fossé entre riches et pauvres, des migrations, du racisme ou de la mise en péril de notre planète, de tels rassemblements sont importants dans la mesure où ils manifestent le désir de femmes et d’hommes habités par l’Évangile du Christ d’aller à contre-courant de la dynamique mortifère de résignation ou de repli sur soi qui semble régner sur tous les continents. Malgré les difficultés auxquelles doivent faire face le COÉ et ses Églises membres, les participants au rassemblement de Karlsruhe témoigneront bien que « l’amour du Christ mène le monde à la réconciliation et à l’unité ».
Certes, perdurent la tragédie de l’invasion russe en Ukraine et ses conséquences sur l’unité de l’Église orthodoxe. Le traditionnel colloque préparatoire aux assemblées du COÉ a permis cependant à une cinquantaine de délégués de vingt Églises orthodoxes byzantines et orientales d’apporter une contribution commune au thème choisi pour cette 11e assemblée et de s’écouter malgré les ruptures de communion qui déchirent actuellement le monde orthodoxe. La toute récente réintégration de l’Église orthodoxe en Macédoine du Nord dans la communion orthodoxe a montré aussi que de telles ruptures de plusieurs décennies peuvent être surmontées, même si le nom de cette Église et le processus de reconnaissance de son autocéphalie ne font pas encore l’unanimité.
C’est vers un autre horizon que le regard d’Istina se tourne avec ce numéro : les États-Unis. La diversité des confessions chrétiennes et leur rôle dans l’histoire de ce pays expliquent ce choix, tout autant que son rayonnement. C’est aussi des États-Unis que vient la proposition du thème de la Semaine universelle de prière pour l’unité chrétienne en 2023 : « Apprenez à faire le bien, recherchez la justice » (Ésaïe 1,17). Le Conseil des Églises du Minnesota, l’un des États qui a connu les pires drames raciaux du pays, a en effet choisi et préparé ce thème dans le souvenir encore bien présent de l’exécution extrajudiciaire de George Floyd et le procès du policier responsable de sa mort en 2020.
Notre numéro propose quatre regards, portés par des personnalités méthodiste, catholique, orthodoxe et pentecôtiste, sur les relations interconfessionnelles aux États-Unis et leur évolution. Comme l’expliquent bien les contributeurs, la quête de l’unité visible s’y est manifestée tôt à travers des institutions locales ou fédérales et des dialogues théologiques qui ont stimulé ceux qui se déployaient au niveau mondial. Une autre dynamique semble privilégier désormais les relations et l’action face aux enjeux sociaux. Comme en d’autres pays, les débats de société ont en effet un impact croissant sur le mouvement œcuménique, toujours tiraillé entre le pôle doctrinal et celui du christianisme pratique, mais aussi du fait des clivages internes entre « conservateurs » et « libéraux » au sein des grandes confessions chrétiennes.
La perspective de l’anniversaire du concile de Nicée I en 2025, évoquée par le cardinal Koch, à la suite de la Commission Foi et Constitution, nous rappelle toutefois que ces enjeux éthiques ne sauraient être affrontés par les Églises sans qu’elles ne redisent ensemble leur foi en Jésus Christ. Comme celui de la Confession d’Augsbourg en 2030, cet anniversaire sera l’occasion d’autres rassemblements si précieux pour s’écouter et se parler lorsque chacun est tenté d’aller son chemin plutôt que de poursuivre avec les autres le Pèlerinage de justice et de paix.
Istina