Le livre des Actes des Apôtres, notamment ses deux premiers chapitres, nous aide à comprendre la naissance de l’Église. Dominique Cerbelaud y guide son lecteur, péricope par péricope – en proposant une traduction plutôt littérale, qui permet de saisir les nuances de l’auteur lucanien, et en analysant chaque verset. Quelques excursus permettent ensuite de développer plus longuement tel ou tel point abordé dans le commentaire suivi. Des remarques originales renouvellent la lecture de ces textes, bien connus des chrétiens. L’auteur relève par exemple l’insistance spécifique de Luc à signaler la présence des femmes, ce qui ferait de lui, « un militant de la parité ». De manière convaincante, il démontre aussi que l’Ascension s’est déroulée non pas un jeudi, mais un samedi, jour de shabbat.
Enraciné dans la tradition catholique – notamment dans la manière de présenter le rôle de Pierre « au milieu des frères » –, ce commentaire s’intéresse à d’autres confessions chrétiennes, en rappelant par exemple que l’Église copte d’Égypte recourt aujourd’hui encore au tirage au sort pour désigner son patriarche, comme on l’avait fait pour l’apôtre Mathias (Ac 1,26).
Avec la conviction qu’au cours des siècles, « les chrétiens ont beaucoup ignoré, voire occulté la judaïté foncière de leurs textes fondateurs », D. Cerbelaud souligne la teneur proprement juive des Actes, « qui passe souvent inaperçue aux yeux d’un lecteur chrétien ». Avec grande érudition, il explore donc différentes sources juives pour en éclairer le sens. Parfois de manière audacieuse : en commentant Ac 1,6-7, D. Cerbelaud relève ainsi que Jésus n’exclut pas l’idée d’une restauration de l’indépendance politique du peuple juif, ce qui constituerait « une base forte à la théologie chrétienne pour penser la création de l’État d’Israël » (p. 23).
À juste titre il est rappelé qu’à ce stade, l’Église – le groupe des 120, la foule locale, et les pèlerins de la diaspora de passage à Jérusalem – reste entièrement juive. En accusant les juifs d’avoir supprimé Jésus « en le clouant à la croix par la main des sans loi » (Ac 2,23), Pierre affirme certes qu’ils ont tué Jésus, mais en mentionnant aussi le rôle du pouvoir romain ; or l’oublier, comme on le fera par la suite, c’est ouvrir la voie à l’antijudaïsme chrétien.
Franck Lemaître
Dominique Cerbelaud, Chambre haute. Une lecture du début des Actes des Apôtres (Actes 1 et 2), Boyer, Éd. Passiflores, 2017 ; 176 p. 13,50 €. ISBN : 978-2-918469-82-7.
Recension publiée dans la revue Istina, 2018/1.