Cet ouvrage est issu d’une thèse de doctorat soutenue en décembre 2015 à l’université d’Aix-Marseille. Comme l’explique l’auteur, « son objectif est de présenter le rôle des pentecôtistes fondamentalistes dans la radicalisation de la lutte contre la sorcellerie » (p. 9).

Après un bref état des lieux de la complexité de la question sorcellaire, S. Batibonak présente l’émergence du pentecôtisme camerounais, puis trois groupes qui ont fait de la lutte contre la sorcellerie leur cheval de bataille : le Ministère du combat spirituel (MCS), de la Congolaise Maman Olangi, le Ministère international Va et Raconte (MIVR), du Camerounais Martin Tsala Essomba, et La Venue de Jésus Christ, des sœurs camerounaises Sérange et Ruphine Mebina. Les trois chapitres suivants (4 à 6) s’intéressent aux rites par lesquels est menée la lutte. L’auteur commence par décrire trois rituels significatifs : une « veillée agressive » au MCS à Yaoundé, un séminaire de délivrance des questions familiales au MIVR à Yaoundé et un culte de délivrance des « liens de chefferie » à la Chapelle de Dieu, de l’Ivoirien Gilbert Etimbi à Douala. Cette description est suivie d’une analyse du phénomène de délivrance et de ses signes qui montrent la place du corps et une mise en évidence de la violence dans les rites de désaffiliation. Les derniers chapitres s’interrogent sur l’influence de ces rites qui semblent se populariser par mimétisme du fait de leur diffusion par les médias (7), en analysant la mise en accusation des « sorciers » (8) et en constatant comment ils s’inscrivent dans la production de nouvelles croyances (9).

L’un des intérêts de cette étude est d’abord de souligner le caractère endogène du pentecôtisme camerounais dans les années 1960 et ses deux phases d’expansion subséquentes dans les années 1990 puis à partir de 2010. Elle montre surtout comment cette forme de pentecôtisme favorise la sorcellerie qu’elle prétend combattre, et n’hésite pas à questionner les ambiguïtés des travaux d’É. de Rosny et M. Hebga (p. 201) et la tentation de l’Église catholique d’emboîter le pas à cette effervescence, comme les campagnes « Christad » du père Hervé-Marie Hignard, frère de Saint-Jean, et non pas « prélat » ! (p. 172-173). Sans doute souffre-t-elle de quelques coquilles ou étrangetés : comme la mention d’une étude de Leiris (dont la référence n’apparaît pas dans la bibliographie) sur les Éthiopiens de Congar, pour Gondar (p. 124) ou l’emploi inadéquat du mot prieur (p. 130, 203) pour priant ou orant ! Mais l’auteur a le mérite d’offrir un dossier bien documenté sur cette forme de christianisme qui privilégie des images bibliques vétéro-testamentaires violentes (p. 139) plutôt que les comportements et paroles de Jésus auxquels pourtant elle prétend se référer (p. 155-156).

Michel Mallèvre 

Sariette Batibonak, Discours anti-sorcellerie dans les pentecôtismes camerounais, Paris, L’Harmattan (coll. « Émergences africaines »), 2017 ; 234 p. 25 €. ISBN : 978-2-343-12844-3.

Recension publiée dans la revue Istina, 2018/3.