Le début de l’année 2012 aura été marqué notamment par le décès du pape Shenouda III de l’Église copte orthodoxe et par l’annonce du retrait en décembre prochain de l’archevêque de Canterbury Rowan Williams, quelques semaines avant que le pape Benoît XVI célèbre presque simultanément la septième année de son pontificat et son quatre-vingt cinquième anniversaire. Rapprocher des événements relatifs aux primats de trois communions ecclésiales aux histoire et fonctionnement si différents apparaîtra peut-être une manière de sacrifier aux réflexes journalistiques qui personnalisent facilement la vie des Églises. Mais ce rapprochement a du moins peut-être le mérite de nous rappeler que la primauté n’est pas simplement de l’ordre des rouages institutionnels car elle a évidemment un rôle symbolique, façonné tant par l’histoire des Églises et des pays où elles sont implantées que par la personnalité de ceux qui ont exercé cette fonction.

Depuis le « Printemps arabe » et le départ du président Moubarak, l’Égypte peine à trouver son équilibre politique et beaucoup d’observateurs expriment leur inquiétude pour l’avenir de la minorité chrétienne dans ce pays à l’approche d’élections présidentielles. Plus de quarante ans à la tête de son Église, Shenouda III (3 Août 1923-17 Mars 2012) aura incontestablement marqué la vie de celle-ci, affirmant sa particularité et sa fierté, contribuant à son rayonnement et à son dynamisme missionnaire sur le continent africain. Le nouveau patriarche, dont le nom sera tiré au sort par un enfant parmi les trois présentés au terme d’un processus long et complexe, sera-t-il un homme de dialogue avec la majorité musulmane ou une personnalité réaffirmant fortement les droits du peuple copte ? Saura-t-il aussi poursuivre le dialogue avec les autres Églises ? Après l’accord christologique pionnier de 1973 et sa visite à Rome la même année, puis une période de refroidissement de ses relations avec l’Église catholique, le pape Shenouda avait contribué à la mise en place en 2004 d’une commission internationale de dialogue entre cette dernière et les Églises orthodoxes orientales. Cette commission a abouti à la rédaction du document « Nature, Constitution et Mission de l’Église » (2009), qui en reste encore au constat des différences d’approches de la primauté et de la synodalité au niveau universel par les deux partenaires : « L’Église catholique maintient le besoin d’un ministère pétrinien dans l’Église, exercé par l’Évêque de Rome, pour assurer la communion des Églises particulières à travers le monde. Les Églises orthodoxes orientales, pour leur part, n’ont pas de centre unique de la communion universelle, mais fonctionnent sur la base d’un modèle indépendant et universel, avec une commune doctrine de foi. » (§ 53). Mais le travail de la commission se poursuit.

De son côté, la Communion anglicane traverse une crise, dont l’une des sources se trouve dans son expansion au-delà des Îles britanniques et du continent nord-américain. Une récente journée d’étude sur l’anglicanisme, organisée en partenariat par le French Arc et le Centre Istina, a bien mis en valeur l’impact du phénomène de basculement nord-sud du centre de gravité du christianisme sur l’anglicanisme, dont les Églises les plus nombreuses sinon les plus dynamiques se trouvent désormais sur le continent africain, mais elle a souligné aussi la grande complexité de la recomposition de cette confession comme de toutes les composantes du christianisme mondial. Pour faire face aux tensions manifestées depuis près d’une décennie dans l’anglicanisme, l’archevêque Rowan Williams avait, on le sait, suscité un processus de réflexion devant aboutir à un resserrement des liens institutionnels entre les composantes de la Communion. L’échec relatif du projet de Covenant, rejeté récemment par la majorité des synodes diocésains de l’Église d’Angleterre, et surtout la contestation par des sensibilités diverses d’un renforcement du rôle de Canterbury auront sans doute contribué à la lassitude de l’archevêque, qui a donc annoncé le 16 mars qu’il quittera sa charge cet hiver après dix années d’un ministère marqué notamment par le souci de l’unité des Églises. Comment son successeur pourra-t-il maintenir cette orientation ? Sans doute le dialogue avec l’Église catholique se poursuit-il, mais l’espérance encore portée en 1998 par le grand texte sur « le don de l’autorité », qui reconnaissait dans le ministère spécifique du primat universel de l’évêque de Rome « un don à recevoir par toutes les Églises » (§ 47), s’est émoussée. De fait, la troisième phase du travail de l’ARCIC n’est pas seulement compromise par la décision de l’Église d’Angleterre d’accepter l’accession de femmes à l’épiscopat et par l’accueil d’une minorité, certes très petite, d’anglicans dans la communion avec Rome, mais aussi par cet affaiblissement du primat de la Communion anglicane.

D’autres dialogues menés par l’Église catholique affrontent le défi de parvenir à un consensus sur la primauté de l’évêque de Rome au sein d’une Église communion. Mis à part celui avec l’Église orthodoxe, dont on sait les difficultés actuelles, un autre tient une place importante : le dialogue avec l’Église vieille catholique de l’Union d’Utrecht, qui est née précisément de divergences de compréhension du rôle de la papauté lors de la « crise janséniste », puis du Concile Vatican I. Istina est donc reconnaissant au professeur von Arx et au frère H. Legrand de nous permettre de disposer d’une traduction inédite en français, précédée de leur commentaire personnel, du rapport « Église et communauté ecclésiale » publié en 2009 par la commission internationale de dialogue entre ces deux Églises.

Istina