Alors que l’Église catholique met à profit le cinquantième anniversaire du concile Vatican II pour continuer de débattre de son interprétation, les cinq cents ans de la Réforme ne semblent guère mobiliser les fidèles de nos Églises, sinon en Allemagne. Enfin publié, le document Du conflit à la Communion : commémoration commune luthérienne-catholique de la Réforme de 1517 contribuera peut-être à réveiller leur intérêt. Ce texte s’inscrit dans une démarche de relecture commune de l’histoire déjà esquissée par d’autres textes œcuméniques. Mais il met un fort accent sur les enjeux théologiques, en s’appuyant sur l’apport de documents antérieurs de la commission pour l’unité. En appelant les membres des deux confessions, unis par le même baptême, à laisser les caricatures pour reconnaître les richesses qu’elles peuvent s’apporter mutuellement, il les invite à « commémorer » ensemble l’événement de 1517 qui, pour avoir divisé la chrétienté, n’en a pas moins profondément marqué l’Église de Jésus-Christ et la culture occidentale. Pour autant qu’il soit reçu et qu’il débouche effectivement sur une déclaration commune sur l’Église, l’eucharistie et les ministères prolongeant les acquis de celle sur la justification, il peut constituer une étape importante dans l’histoire du mouvement œcuménique.

Le dialogue catholique-luthérien ne peut cependant pas oublier les relations de chacun des deux partenaires avec les autres confessions, d’abord au sein des diverses familles protestantes, qui ont entrepris de surmonter leurs propres divisions. Si elle continue de privilégier les dialogues bilatéraux, l’Église catholique doit ainsi prendre en compte le rapprochement des traditions luthérienne, réformée et méthodiste, scellé en Europe par la signature de la Concorde de Leuenberg. Le Conseil pontifical le fait puisque, du 8 au 9 février 2013 à Vienne, il a inauguré un dialogue avec la Communion d’Églises protestantes en Europe (CEPE). La prochaine consultation, qui aura lieu en décembre à Spire, continuera « de traiter des questions relatives à la compréhension de la nature de l’Église et des objectifs œcuméniques à atteindre. » Certes les signataires de la Concorde peinent à adopter une « constitution ecclésiale commune » qui manifeste, du moins aux yeux de leur partenaire catholique, que la CEPE n’est pas une association ou une fédération, mais bien une communion d’Églises : une Église ! Mais, sur ce point, les membres français viennent de franchir un pas décisif, qui est bien déjà une « célébration » de l’événement de 1517 puisqu’il contribue à résorber partiellement les clivages intraprotestants.

Après la création de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL) en 2006, la naissance de l’Église protestante unie de France (EPUdF) a en effet mené à son terme le long processus de rapprochement des principales Églises luthériennes et réformées françaises, lancé en 1960 par la création d’une première instance commune de dialogue et, huit ans plus tard, par la rédaction d’un accord théologique sur le statut de la Parole de Dieu, le baptême et la cène (les thèses de Lyon). La nouvelle union, célébrée en mai 2013, va plus loin que celle d’Alsace Moselle, qui laisse subsister les deux Églises du fait du régime issu du Concordat dans cette région. L’Église protestante unie de France se substitue en effet aux deux unions d’Églises antérieures, mais surtout elle entend conjuguer unité et diversité en préservant l’identité de ses composantes, en particulier de la partie luthérienne minoritaire. La réussite de ce nouveau modèle ecclésial aura évidemment une portée œcuménique dans la perspective des manifestations de 2017, même si les questions éthiques contribuent à ouvrir de nouvelles lignes de fracture entre les confessions chrétiennes et en leur sein.

Parmi celles qui se réclament à la fois de l’héritage apostolique et de l’apport de la Réforme du XVIe siècle, la Communion anglicane apparaît particulièrement éprouvée par les transformations de la société. C’est à cette Communion, dont l’identité semble plus que jamais difficile à définir, qu’est consacré ce numéro. Les contributions présentées sont issues de la réflexion menée au Centre Istina, le 18 février 2011 et le 30 mars 2012, lors de journées d’études organisées à l’initiative du comité mixte français anglican-catholique (French Arc) et du centre de recherches « Conflits, représentations et dialogue dans l’univers anglo-saxon » des universités d’Amiens et de Rouen. Pour éclairer les évolutions contemporaines de la Communion anglicane, et notamment les débats autour des ministères féminins et d’options pastorales en faveur des couples homosexuels, où théologie et culture se mêlent, les organisateurs avaient choisi de faire appel à des spécialistes de la civilisation britannique. Nous remercions le professeur Rémy Bethmont d’avoir préparé ce numéro dont il a assuré la direction scientifique.

Sans doute l’approche de cet ensemble est-elle limitée et certaines contributions peuvent-elles susciter des réserves. Cependant leur actualité apparaît clairement au lendemain de la visite à Rome du nouvel archevêque de Cantorbéry, une dizaine de jours après son intervention à la Chambre des Lords, où il avait déploré de l’homophobie dans son Église, mais aussi réaffirmé que « le mariage traditionnel est une pierre angulaire de la société », en s’opposant au projet du gouvernement britannique relatif aux couples homosexuels. En le recevant, le 14 juin 2013, le pape François a bien relevé cette conviction de son hôte, alors qu’il rappelait l’importance pour les chrétiens de promouvoir ensemble les valeurs chrétiennes, de s’engager pour la justice sociale et d’œuvrer pour la paix.

Istina