Réunie à Budapest du 3 au 8 juillet 2013, la quatorzième assemblée générale de la Conférence des Églises européennes (KEK) a marqué un tournant dans la vie de cette institution désormais présidée par l’évêque anglican Christopher Hill. L’avenir montrera si l’adoption d’une nouvelle constitution facilitera une collaboration plus efficace des différentes instances qui la composent et si le transfert de son siège, de Genève à Bruxelles, lui permettra de mieux jouer son rôle en Europe, en collaboration avec ses partenaires catholiques : le Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) et la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE), dont l’existence comme instances distinctes est d’ailleurs de plus en plus problématique alors que l’Union européenne continue de s’élargir et que les Églises sont appelées à réduire leurs moyens.

Au niveau mondial, le Conseil œcuménique des Églises vivra bientôt à son tour ses assises. La dixième Assemblée réunie à Busan, en Corée du Sud, du 30 octobre au 8 novembre ne portera pas les mêmes enjeux, puisqu’elle a connu lors de la précédente assemblée de Porto Alegre, en 2006, des réformes institutionnelles importantes. Mais on connaît ses difficultés internes, notamment économiques, et la réduction de son rayonnement avec l’essor parallèle du courant évangélique pentecôtiste.

Régulièrement, les observateurs de l’actualité œcuménique annoncent la faillite des institutions qui portent le mouvement pour l’unité depuis les lendemains de la deuxième Guerre mondiale. Il est vrai que ce mouvement a fortement évolué depuis plus d’un demi-siècle et que ces institutions ont perdu une grande part de leur rayonnement. Mais il ne serait pas juste d’oublier les services que le COE et la KEK ont rendus et continuent de rendre, à la fois en assurant une certaine visibilité du mouvement œcuménique et en maintenant une dimension multilatérale au dialogue entre toutes les confessions.

Sans doute peut-on regretter un certain effacement de la Commission Foi et Constitution, mais l’engagement des Églises pour la justice, la paix, la protection de l’environnement et leur témoignage commun ne sont pas sans importance. La Charte œcuménique européenne, signée il y a douze ans, nous rappelle que la recherche de l’unité visible des Églises et leur apport à la vie en société sont liés. Dans notre monde fracturé, où certaines Églises en perte d’influence politique et sociale peuvent être tentées par des replis identitaires et des alliances stratégiques, il reste important qu’existent des lieux où toutes les sensibilités se rencontrent, écoutent ensemble la Parole de Dieu et réfléchissent de concert au témoignage qu’elles ont à porter.

Le travail théologique continue toutefois. Ainsi, tandis que la Commission Foi et Constitution soumet aux Églises un texte de convergence, L’Église, vers une vision commune, qui voudrait provoquer un nouvel élan – comme Baptême, Eucharistie, Ministère, il y a trente ans –, la prochaine assemblée du COE aura à recevoir la déclaration élaborée par la commission Mission et Évangélisation : Ensemble vers la vie : mission et évangélisation dans des contextes en évolution. Sans doute ces deux documents, qui viennent s’ajouter à l’impressionnante collection du corpus œcuménique, susciteront-ils les critiques d’ecclésiologues et missiologues. Mais il est intéressant de voir des groupes locaux très divers se saisir à nouveau de textes de comités mixtes ou du Groupe des Dombes, et chercher à  dépasser des relations purement émotionnelles.

Le nouveau document de la commission internationale catholique-luthérienne pour l’unité, Du conflit à la Communion, suscitera-t-il le même intérêt ? En proposant une relecture commune de l’histoire et une synthèse de l’apport de textes plus techniques (Déclaration commune sur la justification, Église et justification, l’Apostolicité de l’Église), il se présente comme un bon instrument de travail pour étudier les enjeux théologiques des débats qui déchirent l’Occident chrétien depuis 500 ans. C’est pourquoi nous lui consacrons ce numéro, offrant aux lecteurs d’Istina une traduction française inédite, réalisée en partenariat avec le service œcuménique de la Fédération protestante de France.

Au moment où l’on célèbre le 450e anniversaire du Catéchisme d’Heidelberg, l’un des textes confessionnels réformés les plus largement diffusés, le document Du conflit à la Communion peut donner l’impression de restreindre la Réforme au seul Luther, de laisser de côté le rapprochement plus large réalisé par la Communion d’Églises protestantes en Europe et d’oublier les apports non théologiques à la société occidentale du mouvement lancé en 1517. Ce sont quelques faiblesses relevées par U. Körtner, dont la prise de position fort critique vient en contre-point de la double introduction de M. Fédou et M. Lienhard que nous remercions de leur collaboration. Puisse ce dossier contrasté nourrir la réflexion de nombreux chrétiens sur l’événement de la Réforme et stimuler leur engagement dans le mouvement œcuménique !

Istina