Si les visites du pape François en Corée, en août, et en Albanie, en septembre, n’étaient pas dénuées de portée œcuménique, l’actualité interconfessionnelle de ces derniers mois n’en aura pas moins été dominée par deux autres événements : la lutte de l’Ukraine pour le respect de son identité et de son intégrité territoriale, alors que les communautés chrétiennes de ce pays se livrent à des relectures bien différentes de l’Histoire, et aussi le synode des évêques catholiques, au mois d’octobre 2014, sur « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation. »

Du point de vue œcuménique, ce synode aura retenu l’attention à plus d’un titre. Sans doute par la présence parmi les délégués fraternels d’une baptiste française, Valérie Duval-Poujol, dont certains ont découvert avec étonnement qu’elle donne depuis quelques années un enseignement biblique à l’Institut catholique de Paris, et par l’intervention du métropolite Hilarion de Volokolamsk, dont la rhétorique stigmatisant le relativisme moral de l’Occident et l’« uniatisme » est bien connue. Mais le métropolite a évoqué également l’expérience de son Église dans le domaine de la pastorale familiale tant par son clergé marié que par son application du principe d’économie en permettant la conclusion d’un nouveau mariage ecclésial lorsqu’il y a éclatement de la première union. Ce point fut souvent évoqué lors des débats sur la possibilité d’une évolution des normes d’accès à la table eucharistique pour des divorcés remariés dans l’Église catholique. Le cardinal Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, n’avait cependant pas hésité à écrire : « cette pratique n’est pas conciliable avec la volonté de Dieu, telle qu’elle est clairement exprimée dans les paroles de Jésus sur l’indissolubilité du mariage, et cela représente un problème œcuménique qu’il ne faut pas sous-estimer. » (L’Osservatore Romano, 23/10/2013).

Mais plus que la référence à la discipline orthodoxe du mariage, la portée œcuménique la plus grande du synode aura sans doute été le fait que des évêques débattent publiquement et manifestent leur désaccord sur les solutions pastorales à mettre en œuvre. La forme de gouvernement de l’Église catholique, perçue souvent par les autres confessions comme excessivement monolithique et centralisatrice, est l’un des principaux obstacles à l’unité. Nul doute que cette première session synodale, stimulée par l’intervention du cardinal Kasper lors du consistoire de février 2014, ait donné une autre image de l’Église catholique et ouvert la voie à une synodalité plus effective qui serait un facteur déterminant dans le rapprochement des Églises.

Les dialogues théologiques sont certes aussi un lieu privilégié pour le rétablissement de l’unité de la grande famille chrétienne divisée. Il est vrai qu’ils semblent piétiner. Beaucoup partageraient sans doute le constat pessimiste du métropolite Chrysostome de Messénie qui déclarait, le 8 octobre devant le Saint-Synode de l’Église orthodoxe de Grèce, « que les perspectives du dialogue théologique avec les anglicans se sont affaiblies, que l’évaluation du dialogue avec les Vieux-catholiques a été interrompue, que le dialogue avec les anciennes Églises orientales anti-chalcédoniennes comporte une évaluation critique en cours des questions pastorales et liturgiques, que le dialogue avec les catholiques-romains est assombri tant par le prosélytisme des uniates que par la difficulté de compréhension concernant le fonctionnement et l’application de la primauté dans le cadre du Synode et des structures ecclésiales, tandis que les perspectives des dialogues avec les luthériens et les réformés ont reculé en raison de l’ordination des femmes. » (http ://www.romfea.gr/
epikairotita/27199-2014-10-08-11-24-28 et orthodoxie.com)

Il est cependant possible de poser un regard moins pessimiste sur ces dialogues qui se poursuivent malgré les difficultés évoquées. La récente rencontre du pape François avec le patriarche catholicos de l’Église assyrienne de l’Orient, Mar Dinkha IV, le 2 octobre 2014, laisse aussi espérer la reprise d’un dialogue qui avait ouvert de grandes espérances. En proposant une lecture nuancée du travail de quelques commissions, notre numéro voudrait y contribuer et inviter à résister à la tentation de privilégier certains partenaires en renonçant à cheminer avec d’autres.

 Face aux difficultés des dialogues officiels, nous ne devons pas oublier non plus le chemin parcouru depuis la promulgation du décret conciliaire Unitatis redintegratio, il y a tout juste cinquante ans, mais rendre grâce pour le travail des artisans de l’unité. Plusieurs d’entre eux nous ont quittés très récemment. Aux grands théologiens allemands W. Pannenberg et O. Pesch, dont l’apport est évoqué trop brièvement dans ce numéro, nous voudrions ajouter trois personnalités françaises. D’une part, le pasteur Marc Chambron, qui fut inspecteur ecclésiastique de l’Église évangélique luthérienne de France, membre du Groupe des Dombes et cheville ouvrière du recueil œcuménique de chants et prières Ensemble, ainsi que l’historien Marc Venard, professeur émérite des Universités de Rouen et Paris Ouest-Nanterre, dont l’engagement œcuménique ne se manifestait pas seulement par ses travaux universitaires sur la période moderne dont il était un spécialiste reconnu.

D’autre part, le frère Bernard Dupuy, artisan du dialogue judéo-chrétien parti reposer dans le sein d’Abraham le 3 octobre, quelques heures avant que ne commencent les célébrations de Kippour. Istina a déjà rendu hommage à son ancien directeur à l’occasion de son 85e anniversaire (2010/3). D’une autre manière, dans le prochain numéro, nous évoquerons avec reconnaissance celui dont nous avons tant reçu.

Istina