Précédée et suivie par de terribles attentats meurtriers, la visite du pape François en Égypte, les 28 et 29 avril 2017, avait sans doute pour but premier de montrer qu’il n’y a pas de guerre de religion et que musulmans et chrétiens sont côte à côte face au fanatisme. Elle avait aussi un objectif œcuménique : parvenir à une avancée majeure dans les relations entre l’Église copte orthodoxe et l’Église catholique par un accord sur la reconnaissance mutuelle du baptême célébré dans les deux Églises. Les résistances au sein de l’Église copte orthodoxe n’ont pas encore permis de concrétiser le rapprochement voulu par les deux primats. Bien que le contexte dramatique appelle les chrétiens d’Égypte et de tout le Proche-Orient à s’unir, les blessures du passé demeurent et il faut leur laisser le temps de la guérison.

L’association de la Communion mondiale d’Églises réformées (CMER) à la Déclaration commune sur la doctrine de la justification, dix-huit ans après sa signature par l’Église catholique et la Fédération luthérienne mondiale, est un beau fruit de cette nécessaire patience. Il en est de même du Témoignage de Wittenberg, par lequel luthériens et réformés entendent mener à son terme le processus d’effacement des divisions protestantes passées en scellant une unité dessinée dans le document de dialogue « Communion : être Église » de 2014 et déjà largement vécue en Europe.

Bien qu’elle ait eu lieu symboliquement le 5 juillet à Wittenberg, la signature de la Déclaration d’association réformée à la Déclaration commune sur la justification nous rappelle opportunément que la Réforme protestante ne se réduit pas au seul Martin Luther. Tout comme la Déclaration d’association du Conseil méthodiste mondial de 2006, celle de la CMER souligne les accents propres de la tradition réformée en attirant l’attention sur la relation intrinsèque entre justification et justice négligée par le document de 1999.

C’est pourtant à un ensemble d’Églises de tradition luthérienne que nous consacrons ce numéro d’Istina de l’année jubilaire 2017 : cinq Églises nordiques qui rassemblent plus de 19 millions de membres. Elles ont incontestablement un poids religieux et économique bien plus important que leur nombre au sein d’une Fédération luthérienne mondiale qui compte 145 Églises rassemblant 74,2 millions de fidèles.

Sans doute le lecteur d’Istina apprendra-t-il beaucoup sur la genèse de ces Églises nationales nordiques, le desserrement progressif de leurs liens avec l’État, leur clivage est-ouest et leurs réflexions pastorales récentes face à l’érosion du nombre de leurs membres. S’il s’interrogera sur l’avenir de ces Églises nationales témoins d’un temps de « chrétienté » révolu face à la monté de la sécularisation, il regrettera de ne pas en apprendre davantage sur la modeste progression simultanée de l’Église catholique, au moment où le pape François vient de créer cardinal l’évêque de Stockholm, Mgr Anders Arborelius, ou sur le rayonnement des communautés évangéliques-pentecôtistes bien implantées depuis les débuts du xxe siècle. Il s’étonnera aussi de ne rien apprendre de l’impact sur ces Églises luthériennes du courant « revivaliste » qui constitue pourtant environ 10 % de la population de ces pays nordiques, au moment où l’Église catholique vient de fêter les cinquante ans du Renouveau charismatique.

Au terme de sa lecture, il aura le sentiment que le luthéranisme nordique est bien divers, fortement marqué par l’histoire de cette région de l’Europe, et a fortiori qu’il est fort différent de celui qu’il peut connaître en France ou en Allemagne. Du coup, il s’interrogera peut-être sur l’identité de la Fédération luthérienne mondiale et de la CMER, qui viennent de vivre leurs assemblées générales, au risque de conclure que décidément le mot « communion », si fréquemment employé dans les cercles œcuméniques, recouvre bien des acceptions…

À sa demande, nous précisons volontiers que « ce numéro sur les Églises [luthériennes] nordiques a été coordonné par Hervé Legrand qui remercie vivement le Professeur Peder Norgaard Hoyen (université d’Aarhus) pour son aide très efficace ». Le lecteur francophone leur saura gré de disposer ainsi d’un dossier probablement sans équivalent en français, même s’il pourra en regretter les limites.

Istina