Parmi les diverses manifestations commémorant le 500e anniversaire de la publication par Martin Luther de ses quatre-vingt quinze thèses, le colloque Protestantismes convictions et engagements, organisé par la Fédération protestante de France à la Mairie de Paris, les 22 et 23 septembre 2017, restera un événement marquant par la qualité des contributions et l’intervention du président de la République, qui déclara notamment : « Ma conviction profonde est que je ne rendrais nullement service à la laïcité si je m’adressais à vous comme à une association philosophique. Votre identité de protestants ne se construit pas dans la sécheresse d’une sociologie, mais dans un dialogue intense avec Dieu et c’est cela que la République respecte. » Et Emmanuel Macron d’affirmer : « J’aime que vous démontriez que vos origines si diverses, vos traditions si variées, vos intonations parfois éloignées soient la source d’une fraternité retrouvée, et non de division. »

Cette démonstration toujours à reprendre sera au cœur d’autres commémorations de cet anniversaire, telle celle où sera présentée en l’abbaye de Westminster, le 31 octobre, la décision du Conseil consultatif anglican de recevoir la Déclaration commune sur la doctrine de la justification. L’annonce de cet évènement nous rappelle que la Réforme du xvie siècle ne fut pas seulement continentale : précédée par des mouvements comme celui de Wycliff outre-Manche, elle prit un visage bien particulier en Angleterre, d’Henri VIII à Élisabeth Ière, sous l’impulsion de personnalités aussi diverses que Latimer, Cranmer, Parker… Le Concile Vatican II ne soulignait-il pas qu’« à la suite d’évènements que l’on a coutume d’appeler la Réforme » il résulta plusieurs Communions séparées de Rome, parmi lesquelles « la Communion anglicane occupe une place particulière » du fait qu’elle « garde en partie les traditions et les structures catholiques » (Unitatis redintegratio n° 13) ?

La Communion anglicane ne rassemble pas seulement des sensibilités ecclésiales diverses. Du fait de la mondialisation, elle unit des Églises enracinées dans des situations socio-culturelles fort différentes et qui évoluent rapidement. Ainsi, le poids de l’Afrique ne cesse de s’étendre avec l’accueil du Soudan comme 39e province de la Communion, au moment où un récent sondage du British Social Attitudes indique que seulement 15 % de la population britannique déclare adhérer à l’Église anglicane, moitié moins qu’en 2000, tandis que 53 % se décrit comme « sans religion ».

Comment parvenir à promouvoir une réelle communion entre des Églises membres si diverses ? La question prend un singulier relief avec la réunion de ses 39 primats en ce début du mois d’octobre. Certes, au cours des dernières décennies, l’anglicanisme a connu bien des épreuves qu’Istina a déjà analysées [LVIII (2013) n° 2]. L’absence à Canterbury des archevêques Nathles Okoh du Nigéria, Onesphore Rwaje du Rwanda et Stanley Ntagali en Ouganda en raison de l’évolution de l’Église épiscopale américaine et de l’Église épiscopale écossaise sur le mariage de personnes de même sexe, manifeste la persistance de ces difficultés.

Confrontée à ce défi d’une « fraternité retrouvée », la Communion anglicane n’en joue pas moins un rôle important dans le mouvement œcuménique, du fait de ses particularités et de son expérience. Ce numéro voudrait en rendre compte, non seulement grâce au tour d’horizon des dialogues bilatéraux proposé par John Gibaut mais aussi par les divers documents analysés et traduits. Avec la déclaration commune du pape François et de l’archevêque Justin, deux d’entre eux retiendront sans doute l’attention des lecteurs d’Istina. D’une part, celui du Conseil consultatif anglican sur la réception des ministères, compte tenu de l’attachement de la tradition anglicane à l’épiscopat historique et de son pragmatisme pour progresser dans la réconciliation des Églises. D’autre part, celui du Réseau anglican pour les questions interreligieuses sur la douloureuse question du sionisme chrétien et de la Palestine, Terre de la Promesse ? Ce dernier nous rappelle indirectement que l’unité des chrétiens est indissociable de leur relation au peuple juif.

Istina