En rassemblant un millier de participants de toutes les confessions, la Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation, qui s’est déroulée du 8 au 13 mars 2018 à Arusha, en Tanzanie, nous a rappelé que la mission fut et demeure l’un des piliers du mouvement œcuménique.

Certes, depuis la conférence d’Édimbourg de 1910, la mission fut aussi une pomme de discorde entre les sensibilités chrétiennes : un désaccord du protestantisme évangélique sur les objectifs de la mission promus par le Conseil œcuménique des Églises fut à l’origine de la création, en 1974, du mouvement de Lausanne pour l’évangélisation du monde auquel contribua le célèbre prédicateur Billy Graham, qui vient de décéder. Depuis, les points de vue se sont rapprochés et l’ensemble des chrétiens sont convaincus que la mission doit avoir une dimension holistique, que l’on ne peut opposer annonce de l’Évangile et combat pour la justice, la paix et la sauvegarde de la création.

Si la précédente conférence missionnaire mondiale, à Athènes en 2005, avait insisté sur la guérison et la réconciliation, celle d’Arusha a mis l’accent sur la dynamique transformatrice de l’Évangile chez les plus défavorisés et avec eux. Déjà le document missionnaire Ensemble vers la vie, présenté à l’Assemblée du COE de Busan en Corée en 2013, avait affirmé que « la volonté et la mission ultimes de Jésus Christ (cf. Jn 10,10) sont d’affirmer la vie dans toute sa plénitude » et consacré le déplacement de « la mission vers la périphérie » à « la mission depuis la périphérie » (§ 6). Dans son prolongement, au cœur d’un monde marqué par la montée du racisme et de l’extrémisme, la conférence d’Arusha a souligné le « pouvoir de l’amour de Dieu qui fait échec à la culture de la haine et à la politique de la peur ».

Sans oublier cet aspect missionnaire fondamental de l’œcuménisme, notre numéro est davantage centré sur l’orthodoxie et son dialogue avec l’Église catholique. Un premier article analyse les critiques formulées par des orthodoxes après le Concile Vatican II sur le thème de la collégialité et ses différences avec la notion de conciliarité. Ce débat demeure au cœur du dialogue entre les deux partenaires. Les documents du Groupe Saint-Irénée et de la consultation nord-américaine catholique-orthodoxe que nous publions l’illustrent bien. En nous révélant la relation amicale du futur patriarche Athénagoras, déjà soucieux de l’unité des chrétiens, avec un bénédictin français, un deuxième article nous rappelle combien les liens personnels ont été et demeurent le moteur de bien des rapprochements entre des Églises séparées. Enfin un troisième article décrit minutieusement une initiative de réforme de la vie monastique en Roumanie au début du régime communiste : pour être brève, elle n’en fut pas moins féconde.

Ces derniers mois ont vu disparaître un certain nombre de personnalités qui ont marqué le mouvement œcuménique. À celles auxquelles nous rendons hommage dans ce numéro, nous pouvons ajouter les grandes figures de Georges Lindbeck, Billy Graham et Karl Lehman, sur lesquelles nous reviendront. Qu’il nous soit permis de faire mémoire de sœur Marguerite Delmotte, décédée le 11 mars 2018 à l’âge de 100 ans. Fidèle collaboratrice du Père Dupuy à Istina pendant trente ans, comme rédactrice de notre revue de 1973 à 2005, après avoir collaboré avec le Père Michalon, elle fut aussi la traductrice d’ouvrages importants d’auteurs juifs (Emil Fackenheim et Gershom Sholem) et une cheville ouvrière de l’information œcuménique à Paris jusqu’au terme de sa longue vie. Qu’elle reçoive ici l’expression de la reconnaissance du Centre qu’elle a servi avec discrétion et grand dévouement.

Istina