L’actualité œcuménique de ces derniers mois aura été marquée par deux événements importants : la visite du pape François au Conseil œcuménique des Églises, le 21 juin, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de cette institution, et son invitation à une rencontre de prière et de réflexion sur le thème « Que la paix soit sur toi ! Les chrétiens ensemble pour le Moyen-Orient » à Bari, le 7 juillet, à laquelle participèrent plusieurs patriarches et responsables d’Églises chrétiennes.

D’autres événements ne doivent cependant pas être négligés, comme l’invitation formulée par une large palette de responsables chrétiens à célébrer la « Saison de la création » du 1er septembre au 4 octobre, et l’assemblée générale de la Conférence des Églises européennes ou encore les débats internes à la Conférence des évêques catholiques d’Allemagne sur la publication d’un document pastoral relatif à l’hospitalité eucharistique de conjoints protestants de couples interconfessionnels. Nous reviendrons sur ce dernier débat. Mais nous voudrions attirer l’attention sur un autre événement : la première visite d’une délégation de l’Organisation des Églises africaines instituées au Vatican, reçue par le pape François le 23 juin 2018.

En encourageant « une rencontre et un dialogue œcuménique plus intenses » avec elles, le pape François faisait écho aux remarques de son prédécesseur sur l’expansion de ces communautés qui « dérivent d’Églises et de communautés ecclésiales chrétiennes traditionnelles et adoptent des aspects des cultures traditionnelles africaines », en invitant les pasteurs de l’Église catholique à « tenir compte de cette nouvelle réalité pour la promotion de l’unité des chrétiens en Afrique » (Benoît XVI, Exhortation apostolique Africae munus [2011] n° 90).

De fait, ces communautés illustrent bien deux transformations majeures du paysage religieux actuel soulignées lors de la troisième rencontre internationale du Forum chrétien mondial à Bogota : la place nouvelle de l’Afrique dans le christianisme mondial, avec 621 millions de disciples du Christ, et la poussée des communautés indépendantes. C’est sur ces transformations que nous voudrions revenir dans cette livraison d’Istina.

Après avoir consacré, à la fin de 2017, un premier numéro aux défis rencontrés par les Églises traditionnelles sur le continent africain, nous nous arrêtons ici sur les Églises de sensibilité pentecôtiste qui contribuent le plus à la croissance du christianisme africain. Certaines sont animées par des pasteurs emblématiques, comme Maman Olangui, fondatrice de la Communauté internationale des femmes messagères du Christ [CIFMC], décédée le 5 juin ; d’autres sont plus modestes et éphémères. Tout en soulignant leur diversité et leur essor, les trois contributions rassemblées relèvent un point commun : leur vision du monde marquée par la place des esprits et le combat qu’elles prétendent mener contre des forces occultes. Elles portent aussi des regards contrastés sur le rôle joué par ce type de communautés sur un continent en quête de stabilité politique et de développement économique.

Bien entendu, cet essor des communautés et réseaux pentecôtistes inquiètent les grandes Églises, et la tentation est forte d’en rester à l’apologétique qui fustige la formation insuffisante des pasteurs, leur malhonnêteté et leur prédication qui ne ferait que passer un « coup de badigeon chrétien » sur des conceptions fondamentalement païennes. Mais est-il juste et conforme à l’enseignement conciliaire de considérer indistinctement les « Églises de réveil », de nier des aspects positifs de l’expérience spirituelle qu’elles offrent en les réduisant à certains de leurs enseignements ou pratiques contestables pour finalement les exclure des relations œcuméniques ? Le concile Vatican II ne nous a-t-il pas invités à prêter attention à la valeur du baptême et de l’expérience spirituelle vécue dans les autres Églises et communautés qui doivent être considérées comme de véritables instruments de salut, dont l’Esprit ne dédaigne pas de se servir malgré leurs limites (décret Unitatis redintegratio n° 3) ?

Certes ces communautés sont souvent très critiques envers les Églises catholiques, orthodoxes et protestantes luthéro-réformées. Sans doute aussi certaines d’entre elles ont-elles pu connaître des déviances doctrinales majeures, comme l’Église kimbanguiste dont le baptême n’est plus reconnu par l’Église catholique depuis 2004, bien qu’elle soit toujours membre du Conseil œcuménique des Églises comme de l’Organisation des Églises africaines instituées. En rencontrant des représentants de ces instances, le pape François nous invite toutefois à sortir d’une logique exclusiviste qui sélectionne a priori les partenaires et à nous mettre ensemble au service de la mission de Dieu.

Istina