C’est par cette allusion à la fameuse réplique prêtée à Galilée face à ses censeurs que le secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises [COÉ] a récemment réaffirmé, à l’encontre des sceptiques, sa conviction de l’importance des relations interconfessionnelles et leur dynamisme actuel. Au moment de quitter ses fonctions après dix années passées au service de l’institution genevoise, devant la Fédération des Églises protestantes de Suisse, le pasteur Tveit opposait ainsi l’engagement prometteur de jeunes générations dans des réseaux liés au COÉ au pessimisme de plus âgés dont les rêves d’unité se sont révélés plus difficile à réaliser qu’ils ne l’imaginaient.

De fait, tandis que « l’œcuménisme commémoratif » continue de se manifester notamment dans la célébration du 20e anniversaire de la Déclaration commune sur la doctrine de la justification, le vendredi 22 novembre 2019, dans l’église abbatiale Saint-Anselme à Rome, les Églises peinent à tirer les conséquences ecclésiologiques des avancées de leurs dialogues. La récente longue réponse de l’Église catholique au document de convergence de Foi et Constitution L’Église : vers une vision commune vient encore de le montrer.

Tout en reconnaissant les progrès du travail de cette commission en ce qui concerne les sacrements et la sacramentalité, la tradition apostolique, et l’autorité dans l’Église et son exercice, cette réponse catholique les estime encore « insuffisants ». Elle considère, par exemple, que « la question de la causalité instrumentale mérite plus d’attention », car « il ne s’agit pas seulement d’une question de terminologie, mais d’une conviction fondamentale sur la façon dont le Christ est présent et actif dans l’Église, c’est-à-dire au moyen de signes efficaces ». De même, si elle affirme qu’il n’y a aucune raison de ne pas appliquer l’approche herméneutique de la recherche d’un « consensus différenciant » aux doctrines ecclésiologiques, elle considère que « priorité devrait être donnée à une étude plus approfondie de la relation entre la diversité et la séparation, ainsi que des limites de la diversité », ou encore « à une étude des principes théologiques de discernement des diversités légitimes et sur les diversités séparatrices ».

Parallèlement à ces difficultés, le dialogue avec de nouveaux partenaires fait des progrès. L’Église catholique n’a-t-elle pas été invitée pour la première fois à envoyer un observateur à l’assemblée générale de l’Alliance évangélique mondiale, à Jakarta, en Indonésie, du 7 au 13 novembre 2019 ? Mais la réalité sur le terrain est plus difficile, en Afrique ou en Amérique latine, comme le reconnaît la mention du défi des communautés évangéliques et pentecôtistes par le document final du synode des évêques catholiques pour la région panamazonienne qui d’ailleurs cite longuement le pape François (§ 24).

Ce document illustre aussi les freins au dialogue que représentent les tensions vécues au sein des Églises, qu’il s’agisse des réactions suscitées par la possibilité envisagée par le synode d’ordonner des femmes au ministère diaconal (§ 103) et des hommes mariés au ministère presbytéral (§ 111). Et l’on pourrait évoquer également les clivages qui hélas s’accentuent dans l’orthodoxie.

Dans la conjoncture présente de ruptures de communion entre des Églises orthodoxes, qui rendent plus complexe leur dialogue avec d’autres partenaires, certains s’étonneront peut-être qu’Istina consacre un numéro au document sur la relation entre primauté et synodalité publié, en 2018, par le Groupe Saint-Irénée. Mais n’est-il pas d’autant plus nécessaire de repousser la tentation de l’immobilisme en continuant à dialoguer et à chercher ensemble de nouveaux chemins pour surmonter les impasses actuelles ? L’activité de ce Groupe de travail, comme la récente rencontre du comité de coordination du dialogue international catholique – orthodoxe, témoignent de cette nécessité.

Cependant, comme le soulignent le professeur Hervé Legrand dans sa présentation d’Au service de la communion, dont il a assuré aussi la traduction française, puis le professeur Johannes Oeldemann, dans son introduction historique, c’est surtout par sa méthode mettant l’accent sur l’élaboration d’herméneutiques communes que ce document s’avère novateur. C’est pourquoi il devrait intéresser tous les acteurs du mouvement œcuménique et non pas seulement les lecteurs qui portent habituellement leur regard sur les relations entre l’Orient et l’Occident chrétiens.

Istina