Après avoir grandi dans une communauté baptiste du sud, en Floride, l’auteure entra dans l’Église catholique en 1999, l’année de la signature de la Déclaration commune sur la justification entre luthériens et catholiques. Aujourd’hui professeure associée à l’Université de Notre-Dame, elle travaille sur l’expression liturgique de la foi. Après une étude sur l’initiation sacramentelle comme immersion dans la vie de Dieu Trinité, elle nous offre ici un ouvrage œcuménique sur l’eucharistie qui cherche à surmonter trois problèmes majeurs qui divisent les Églises d’Occident : l’effet de la conversion des espèces sur la conversion spirituelle des participants, le lien entre la présence du Christ et l’actualisation du sacrifice, la relation de la messe avec la Croix. Prenant du recul par rapport aux considérations « métaphysiques » qui divisent les Églises, elle propose une approche phénoménologique de l’eucharistie pour relier plus profondément l’action de grâce à la présence, au changement, à l’offrande et à l’anamnèse, avec l’espoir d’aider chaque partenaire de dialogue à élargir sa compréhension de ce sacrement.

Comme elle l’explique, les dix chapitres sont organisés par paire. Après quelques rappels sur les progrès œcuméniques et une présentation de sa démarche, le deuxième offre un aperçu historique de la liturgie eucharistique en traitant successivement d’Ignace d’Antioche, des catéchèses mystagogiques des IV-Ve siècles, et des développements de la scolastique. Les chapitres 3 et 4 constituent la clé de sa réflexion : après une phénoménologie de l’action de grâce, qui s’appuie sur la pensée de Jean-Luc Marion, vient une présentation de l’eucharistie qui relie le soi, la communauté d’alliance et le cosmos. Les deux chapitres suivants analysent les sources de la perspective occidentale : la lecture par Ambroise de l’anaphore romaine et la théologie développée par Augustin dans son homélie 122. Le chapitre 7 considère la compréhension catholique actuelle telle qu’elle est exprimée dans la prière eucharistique 4 et la manière selon laquelle est repensée l’offrande et est interprété le sacrifice dans le Canon romain, tandis que le chapitre 8 s’arrête sur des exceptions à l’eucharistie dominicale qui témoignent d’un souci eschatologique, notamment la communion eucharistique offerte à frère Roger par Jean Paul II. Au terme de ce parcours, le chapitre 9 fait des suggestions de mesures pratiques en vue de la pleine unité visible et le chapitre 10 propose une relecture du parcours et invite, en se fondant sur la communion baptismale, à reconnaître la consistance de l’eucharistie des autres Églises, en particulier protestantes : « Je pense qu’il est nécessaire maintenant de réaliser que les croyants baptisés qui rendent grâce sur les éléments eucharistiques sont pleinement Église, bien que portant dans le corps (notre corps) les marques de la multiplicité, du péché et de la division. Ils font ce que l’Église fait : leur participation active à la mission du Christ, et non les marques scolastiques, sont ce que signifie être l’Église. Je propose que l’Église catholique romaine commence à partir de cette perspective. Plutôt que de faire de la définition historique et scolastique de l’ordination valide le critère de reconnaissance du ministère, nous devrions faire de la pratique liturgique de l’action de grâce valide le critère de la plénitude ecclésiale. » (p. 212)

Cet ouvrage exigeant s’inscrit de manière originale dans les recherches actuelles, aussi bien celles qui insistent sur la dynamique de la célébration eucharistique que celles qui veulent fonder une hospitalité eucharistique sur la reconnaissance mutuelle du baptême. De fait, s’il plaide pour un assouplissement des normes canoniques de l’Église sur ce dernier point, il maintient une interprétation sacrificielle de l’eucharistie en montrant comment il est possible de surmonter les difficultés qu’elle posait à ses partenaires et comment elle pourrait les enrichir.

Michel Mallèvre

Kimberly Hope Belcher, Eucharist and Receptive Ecumenism. From Thanksgiving to Communion, Cambridge, Cambridge University Press, 2020 ; 300 p. 75 £. ISBN : 978-1-108-83956-3.

Recension publiée dans la revue Istina, 2021/3.