Éditorial 2022/4 : Le visage le plus beau de l’Église

Sans doute l’actualité religieuse de ces derniers mois est-elle restée dominée par le dialogue des religions. Un mois après sa participation au VIIe Congrès des dirigeants des religions mondiales et traditionnelles, à Astana, au Kazakhstan, le pape François a confirmé, début novembre, son engagement pour la paix, la fraternité et le dialogue interreligieux en participant au Forum de Bahreïn « Orient et Occident pour la coexistence humaine ». Mais il est significatif que cette manifestation ait été marquée aussi par une rencontre œcuménique. L’engagement des Églises pour la paix et la fraternité humaine ne peut porter du fruit que si elles progressent vers leur unité visible.

Au lendemain de cette rencontre, le Comité exécutif du Conseil œcuménique des Églises, nouvellement élu, dessinait, lors de sa première réunion, les grands axes de son action au cours de la prochaine décennie dans le prolongement de la 11e Assemblée. Comme le rappelait son secrétaire général par intérim, Ioan Sauca, au terme de son mandat, le Conseil est « une fraternité d’Églises unies par la foi au service de l’action ». Tout en confiant au théologien orthodoxe serbe Andrej Jeftic le soin de conduire la Commission Foi et Constitution dans la poursuite d’une réflexion théologique multilatérale et la célébration du Jubilé du concile de Nicée, le comité rappelait aux Églises, par des déclarations, quelques grands défis auxquels elles sont confrontées : celui d’un développement responsable respectueux de notre environnement, à l’occasion de la COP27, celui du témoignage chrétien et de l’action en faveur de la dignité humaine, celui de la santé et du bien-être à l’échelle mondiale, celui des défis éthiques posés par les technologies nouvelles et émergentes.

Avec l’appel à la paix, tout particulièrement en Ukraine et au Moyen-Orient, ces déclarations, nécessaires mais parfois répétitives, comme celle plus récente sur la fin de vie du Conseil d’Églises chrétiennes en France, n’auront guère de chance d’être entendues si nos communautés continuent de donner le contre-témoignage d’abus inqualifiables et de propos embarrassés pour les reconnaître quand il n’est plus possible de les taire. Plus que jamais c’est d’abord par la sainteté de vie de leurs membres et le témoignage d’une authentique fraternité que nos communautés seront crédibles.

Dans son exhortation apostolique Gaudete et exsultate, en 2018, le pape François rappelait que « la sainteté est le visage le plus beau de l’Église » (§ 9). Il y faisait écho aux fortes paroles de Jean Paul II sur le témoignage des martyrs, patrimoine commun de toutes les Églises. De fait, dans sa grande encyclique Ut unum sint, ce dernier affirmait naguère à la fois la nécessité pour toutes les communautés de s’examiner dans une démarche de conversion, mais aussi le signe d’espérance que leur offrent les saints déjà parvenus à la communion par la grâce du Ressuscité (§ 82-85).

C’est à cet héritage, ce patrimoine commun qu’est consacré notre numéro. Certes les « saints » ont été et demeurent souvent des pommes de discorde entre les Églises. Entre Orient et Occident où, bien que quelques figures de sainteté fassent l’objet d’une même reconnaissance, d’autres sont encore condamnées par les uns et vénérées par les autres. En Occident où, depuis le temps de la Réforme, les saints ont suscité bien des débats qu’il s’agisse de leur proclamation, de leur vénération ou de la sollicitation de leur intercession. Il est cependant significatif que la Commission de dialogue catholique – protestant de Suisse ait osé réfléchir à la sainteté dans un document publié récemment[1]. Sans prétendre épuiser un tel sujet, cette livraison voudrait contribuer à surmonter les débats du passé et nous rappeler cette vocation commune à la sainteté enracinée dans notre baptême, à l’aube d’une nouvelle année que nous vous souhaitons bénie du Seigneur.

Istina

[1]         Commission de dialogue catholique – protestant [CDPC], Saints, 2020 : www.eveques.ch/saints.