Fruit d’une thèse d’habilitation soutenue en 2014, ce livre du professeur d’histoire de la Faculté de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine présente une figure peu connue de la Réforme radicale brûlée à Vienne en 1528 qui, dans le sillage de la réforme zurichoise, avait tenté d’implanter la Réforme à Waldshut, ville située aujourd’hui au sud de l’Allemagne à la frontière Suisse, puis à Nicolsburg, en Moravie. Après une longue enquête historique qui nous permet de suivre cette « tentative d’un anabaptisme communal soutenu par une autorité politique », l’auteur s’interroge sur sa nature et sur la signification de la Confession de Schleitheim (1527).

L’intérêt de cette enquête précise est en effet d’éclairer les débuts de l’anabaptisme en décrivant une période « floue » où il ne faut pas trop vite distinguer trois groupes identifiables seulement à partir de 1526-1527 : le début de la tradition réformée avec Zwingli, le mouvement paysan et l’anabaptisme clandestin (p. 135). De fait, N. Blough montre bien les hésitations de Zwingli sur le baptême, les liens entre anabaptistes et mouvement paysan et la constitution d’une Église clandestine et séparatrice après l’échec de ce dernier. Remettant en cause la distinction entre un anabaptisme fidèle à ses origines non violentes chez Sattler et un anabaptisme populaire et même séditieux, mais marginal chez Hubmaier, il estime que « ce n’est qu’après l’échec du mouvement paysan que l’anabaptisme prend la forme d’une Église clandestine et séparatrice ». Tous deux représentent « un anabaptisme issu de Zwingli, d’abord populaire et multiforme à ses origines que les circonstances historiques poussent vers une expression plus homogène séparatiste et pacifiste » (p. 163-164). À la suite de Peter Blickle, il perçoit un tournant dans l’année 1525, avec la fin de la « Réforme communale », celle de communautés de villes et villages, visant à la fois une amélioration de l’Église et de la société. Désormais, pour les rédacteurs de la Confession de Schleitheim le compromis avec « le monde » est impossible mais la non-violence et le séparatisme qu’ils prônent alors ne représente qu’une stratégie d’adaptation parmi d’autres que les transformations socio-politiques ne suffisent pas à expliquer.

Complétée par des documents donnés en annexe et des cartes, ce beau livre souffre de quelques coquilles (« captivé », au lieu de capturé, p. 161 ; « il n’a y aucune nécessité », p. 187 ; etc.). Mais outre la rigueur avec laquelle il revisite l’historiographie de cet aspect de la Réforme radicale, il présente aussi l’intérêt de montrer comment s’esquisse alors une « analyse critique des rapports entre le religieux et le politique » (p. 198).

Michel Mallèvre

Neal Blough, Les Révoltés de l’Évangile. Balthasar Hubmaier et les origines de l’anabaptisme, Paris, Éd. du Cerf, 2017 ; 320 p. 24 €. ISBN : 978-2-204-11883-5.

Recension publiée dans la revue Istina, 2017/2.