Si nos sociétés contemporaines sont post-métaphysiques et peut-être même post-chrétiennes, elles ne sont pour autant pas post-spirituelles. Certes, le terme même de « spiritualité » désigne une multitude d’expériences et d’impressions, avec ou sans référence explicite au christianisme. Dans cette situation complexe, les confessions chrétiennes semblent parfois tiraillées entre le relativisme et le repli. Ce volume a un double mérite, démontrant premièrement la légitimité de spiritualités confessionnelles, fruit d’une longue histoire loin d’être terminée ; et deuxièmement l’apport spécifique des spiritualités confessionnelles à l’œcuménisme et de l’œcuménisme aux spiritualités contemporaines au-delà de tout confessionalisme.

Quant au premier aspect mentionné, on trouve dans ce recueil des présentations très compétentes des spiritualités orthodoxe (Constantin Miron), catholique (Klaus Vechtel), protestante (Peter Zimmerling) et évangélique (Jochen Wagner), suivies d’« exemples concrets », à savoir la spiritualité monastique (Franziskus Joest), les exercices œcuméniques (Peter Hundertmark), ainsi qu’une manière de gérer ce que l’auteur appelle spiritualité post-moderne (Holger Pyka). Si cela est fort stimulant, c’est encore plus le cas de l’introduction de Thorsten Dietz, qui cherche à définir ce qu’est la spiritualité chrétienne, et surtout du résumé de Jutta Koslowski. En esquissant une spiritualité œcuménique, elle prolonge ses publications antérieures et démontre fort bien l’importance d’une « différence complémentaire » des confessions chrétiennes (p. 144). Ses exemples très bien choisis illustrent que cela implique une réciprocité entre dogme et pastorale, si chère à Vatican II et, plus récemment, au pape François. L’herméneutique critique et constructive de Koslowski pourrait s’avérer fort utile pour la suite du dialogue œcuménique. Cela dit, pour la réciprocité même entre dogme et pastorale qu’elle met si bien en œuvre, il est dommage que son plaidoyer fondé et fulgurant se termine par l’affirmation surprenante que la question des ministères – quaestio disputata dans les dialogues œcuméniques – soit située « dans le domaine de la dogmatique et non pas dans celui de la spiritualité » (p. 148). Ne serait-ce pas, au contraire, une tâche indispensable pour la théologie œcuménique qu’elle vient d’élaborer de montrer que l’on n’existe pas sans l’autre ?

Michael Quisinsky

Jutta Koslowski & Jochen Wagner (éds), Ökumenische Spiritualität, Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt (coll. « Beihefte zur Ökumenischen Rundschau », 128), 2020 ; 156 p. 28 €. ISBN : 978-3-374-06667-4.

Recension publiée dans la revue Istina, 2020/4.