Déconstruire l’antijudaïsme chrétien

Une recension publiée dans la revue Istina, 2023/3-4.

Conférence des évêques de France – Service national pour les relations avec le judaïsme, Déconstruire l’antijudaïsme chrétien, à partir de l’enseignement de l’Église (préface du Grand Rabbin de France Haïm Korsia ; avant-propos de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France), Paris, Cerf, 2023 ; 160 p. 18 €. ISBN : 978-2-204-14981-5.

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Description

On ne peut que louer la Conférence des évêques de France d’avoir une nouvelle fois pris une ferme position contre tout antisémitisme, dont les germes sont hélas toujours renaissants dans notre société. Le présent ouvrage s’inscrit donc dans la continuité d’une série désormais bien connue de documents, ayant permis au magistère catholique de tourner définitivement la page de l’antijudaïsme chrétien, malheureusement si longtemps ancré dans la prédication et dans les esprits mal avertis.

Après le texte fondateur du paragraphe 4 de Nostra aetate au moment du concile Vatican II, puis les notes successives du Secrétariat pour les relations religieuses avec le judaïsme (lui-même intégré, c’est notable, au sein du Conseil pontifical puis du Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens) parues de 1974 jusqu’à 2015, l’autorité suprême catholique a manifesté régulièrement et très clairement son rejet de l’antisémitisme, par diverses allocutions et rencontres, par le document de 1998 Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah, et par des actes de repentance comme celui du pape Jean Paul II à Jérusalem en 2000, actes suivis encore d’autres déclarations des pontifes ultérieurs, Benoît XVI et François.

Dans ce cadre universel, l’Église catholique en France a maintes fois fait figure de précurseur, à travers des avancées particulièrement courageuses comme les orientations pastorales de 1973, la déclaration commune de repentance d’évêques français à Drancy en 1997, ou la plus récente et très nette déclaration du 1er février 2021.

Le Service national pour les relations avec le judaïsme en particulier avait déjà publié en 2019 un compendium de textes catholiques[1] et en 2022 le recueil Une fraternité renouvelée. Anthologie de textes de Jean Paul II sur les relations judéo-chrétiennes[2]. Notons que l’Église protestante unie de France n’est pas en reste, puisqu’un Compendium de textes protestants sur le même thème a été publié en 2022, sous la direction de Serge Wüthrich[3].

L’ouvrage que nous présentons ici, paru en mai 2023, comporte une série de chapitres, autour de questions polémiques ayant parfois fait l’objet d’incertitude doctrinale ou d’erreurs, dans la catéchèse ordinaire ou certaines prédications, telles que la fausse opposition entre le Dieu de l’Ancien Testament et celui du Nouveau, la théorie de la substitution, ou surtout la grave accusation collective de déicide (d’ailleurs déjà explicitement rejetée par le Catéchisme du concile de Trente, ce que les éditeurs auraient pu signaler).

Si l’ensemble se signale par sa forme de morceaux choisis extrait de textes du magistère catholique récent, il fait l’objet de nombreuses redites ou répétitions. Nous pourrions aussi regretter un manque certain d’éléments critiques en vue d’une réflexion théologique plus approfondie ; et pour nos lecteurs, l’absence de toute perspective œcuménique. Mais l’ouvrage reçoit aussi une très belle préface du Grand Rabbin de France Haïm Korsia, signe d’une fraternité qui est bien réciproque.

On peut surtout espérer que les lecteurs à qui cet ouvrage est destiné, un public de fidèles pas forcément très avertis de ces questions, sauront en faire un bon usage à travers des groupes de lecture dans les paroisses et mouvements, qui devront se mettre en place sous l’impulsion des pasteurs, délégués diocésains aux relations judéo-chrétiennes, et autres personnes engagées contre ce fléau de l’antisémitisme.

Jean-Dominique Bruneel

[1]         Objet d’une recension par Michel Mallèvre, in Istina, 2020/2, p. 238-239.

[2]         Paris, Cerf, 392 p., 24 €.

[3]         Lyon, Olivétan, 280 p., 18 €.

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