Éditorial 2020/2 : Solidaires face à la mort ?

L’an passé, l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, quelques jours avant Pâques, avait suscité une émotion très forte bien au-delà de la France. En cette année 2020, l’épidémie de COVID-19, avec son cortège de morts en Chine, puis en Italie et dans le monde entier, a plongé notre humanité dans une angoisse profonde. Des personnes dont la vulnérabilité était connue, mais aussi des plus jeunes, ont été emportées en quelques jours.

Cette pandémie, que certains ont rapprochée de la « grippe espagnole » au début du xxe siècle et surtout de la « peste noire » au xive siècle, pourtant beaucoup plus meurtrières, a rappelé à nos contemporains que, malgré des progrès techniques fulgurants, l’homme ne peut se vanter de tout maîtriser. Surtout, peut-être, cette pandémie les a invités à la solidarité et à une prise de conscience : la solidarité, par un confinement responsable pour éviter la propagation du virus et par une attention aux plus pauvres ; une prise de conscience aussi des limites de notre modèle de développement et de la possibilité pour tous de « vivre autrement ».

Touchées dans leur vie de foi, du fait du contraste entre leur proclamation de la victoire du Christ sur la mort et la triste réalité, mais aussi à cause de l’impossibilité de réunir leurs fidèles pour les célébrations du Carême, de la Semaine sainte et du temps pascal, les Églises n’ont pas été en reste pour relayer ensemble cette double invitation. Sans doute y eut-il une démarche commune de prière, le 25 mars, pour implorer la miséricorde de Dieu en ce jour où est traditionnellement fêtée l’incarnation du Seigneur. Il y eut aussi des appels conjoints, comme la déclaration commune du Conseil œcuménique des Églises et des organisations interconfessionnelles régionales ou le message, bien postérieur, des coprésidents du Conseil d’Églises chrétiennes en France, que l’on pourra lire dans ce numéro.

Certes, les réactions et les comportements n’ont pas été les mêmes, selon les pays, les traditions ecclésiales, les contextes politiques, les personnalités… Au moment où les mesures de confinement commencent à être prudemment levées, le désir bien naturel de se rassembler est fort : entre amis, en famille, notamment en « famille d’Église ». Certes, cette dimension communautaire, s’exprimant notamment dans le culte que les offres numériques multiples ne pouvaient suppléer, est constitutive du christianisme. Se rassembler pour prier est un droit. Encore faudrait-il ne pas oublier la solidarité en criant un peu vite à la discrimination religieuse face à une légitime prudence des gouvernements !

La vie reprendra. Mais reprendra-t-elle « comme avant » ? Beaucoup de questions subsistent en effet sur les causes de la maladie, de sa propagation et sur ses conséquences, notamment économiques. Alors que les États peinent à s’entendre sur les décisions à prendre pour soutenir l’activité et veiller aux plus pauvres, les Églises sauront-elles manifester davantage d’unité dans leur « Pèlerinage de justice et de paix » en vivant concrètement ce que la commission Foi et Constitution a cherché à décrire du mouvement œcuménique dans son document « Venez et Voyez » ?

Outre la traduction de ce document, qui prend un relief particulier dans la crise que nous vivons, ce numéro offre des approches assez différentes des défis auxquels les Églises devront continuer à faire face : le défi de la guérison de leur mémoire, marquée par leurs affrontements passés ou par leur attitude face à la Shoah, et celui de la mission, pour laquelle plusieurs options s’affrontent au sein même de chaque tradition.

Istina