Spécialiste du pentecôtisme sur lequel il a publié une introduction faisant référence, l’auteur a aussi un long enracinement en Afrique dont il nous offre ici le fruit. Son ouvrage traite du visage particulier du pentecôtisme africain et entend discuter de la continuité et de la discontinuité qu’il présente par rapport à la culture religieuse du continent. Comme il le précise lui-même, il s’agit d’une étude interdisciplinaire « examinant la littérature scientifique qui, d’un point de vue historique, théologique, et social, porte sur la manière avec laquelle le pentecôtisme interagit avec les religions africaines, transformant les vieilles perceptions alors qu’elles demeurent vraies pour le monde religieux dans lequel il est immergé » (p. 18).

Cette étude est divisée en trois parties. La première situe ce mouvement ecclésial dans son contexte, en rappelant d’abord quelle fut l’émergence du pentecôtisme en Afrique puis en Afrique du Sud, spécialement à Shoshanguve, une cité de la banlieue de Prétoria où l’auteur a mené des enquêtes au début des années 90 et à nouveau en 2016. La deuxième partie se penche sur les liens du mouvement avec un monde « enchanté » à partir des réponses à ces enquêtes, en décrivant de manière détaillée les relations des fidèles des différents types d’Églises observées avec les ancêtres, les esprits et les pratiques de guérison ou de délivrance, et en analysant la continuité ou la rupture de leur comportement face à cet univers. La troisième partie s’interroge sur la manière avec laquelle des universitaires ont théorisé la réapparition d’idées et de pratiques africaines dans le pentecôtisme. Le chapitre 7 s’intéresse à la transformation opérée par le christianisme lors de la traduction du monde spirituel africain en langage biblique et sur l’hypothèse d’un « syncrétisme responsable » par la mise en place de rituels d’exorcisme ou délivrance. Dans le chapitre 8, Anderson discute de la confusion supposée du Saint-Esprit avec cette force vitale impersonnelle qui caractérise la culture africaine (selon Tempels), en comparant les textes bibliques avec les pratiques et discours des Églises pentecôtistes. Enfin, un bref dernier chapitre conclut sur la capacité du pentecôtisme à tenir le neuf et le vieux en matière de religion et sur la conviction de l’auteur qu’il s’agit bien là des raisons de son expansion en Afrique où il peut prendre des formes diverses manifestant précisément sa faculté d’adaptation aux contextes.

Un glossaire, une bibliographie de référence et un index complètent cet ouvrage important qui a le grand mérite de montrer l’insuffisance des critiques souvent portées contre des Églises qui ne seraient chrétiennes que de nom et ne feraient que reprendre les convictions et pratiques des religions traditionnelles. Sans être toujours convainquant, il montre bien la part de créativité de ces communautés et la volonté des fidèles de se démarquer de démarches ancestrales. Sans doute aurait-il été pertinent de s’arrêter davantage sur la question simplement posée de savoir si les rituels mis en œuvre renforcent la peur ou apportent une libération (p. 169).

Michel Mallèvre

Allan Heaton Anderson, Spirit-Filled World. Religious Dis/Continuity in African Pentecostalism, Londres, Palgrave Macmillan (coll. « Christianity and Renewal – Interdisciplinary Studies »), 2018 ; 274 p. 92 £. ISBN : 978-3-319-73729-4.

Recension publiée dans la revue Istina, 2018/3.