Le mouvement des Frères reste peu connu et les études rares dans le monde francophone (cf. l’ouvrage d’Introvigne et Maselli recensé dans Istina LVI [2011], p. 436-437), bien qu’il regroupe en France environ 40 000 fidèles, soit autant que de baptistes. C’est pourquoi on peut se réjouir de cette ample monographie, issue d’une thèse de doctorat soutenue à l’ÉPHÉ en 2016, qui retrace près de deux siècles d’implantation en France d’une partie d’entre eux : non pas des darbystes, mais de la branche la plus ouverte représentée par les Communautés et assemblées évangéliques de France [CAÉF].

La première partie retrace de manière méticuleuse les activités d’évangélistes suisses et britanniques dans les diverses régions de la France métropolitaine et les communautés qui en ont émergé selon une croissance régulière : 9 en 1920, 25 en 1945, 40 en 1971 et 99 en 2010.

La deuxième partie analyse la structuration des Frères larges. Elle ne se penche pas seulement sur leur modèle sociologique se défiant de toute médiation institutionnelle, des dynamiques dénominationnelles au ministère pastoral, puis sur la disposition du pouvoir marquée par un grand attachement au principe de collégialité. Elle traite aussi des ressources matérielles de communautés qui restent fort dépendantes d’un soutien de l’étranger et de la salarisation des ministres, avant d’aborder le militantisme des Frères.

La troisième partie s’intéresse à leur positionnement dans la société, en étudiant leur idéologie du rapport au monde mais aussi leur œcuménisme spirituel, qui leur fait privilégier l’accueil de convertis plutôt que les clivages doctrinaux, puis leur implication dans la société, soulignant leur éthique exigeante et leur engagement dans quelques œuvres, avant de considérer le regard plutôt hostile des autres confessions et de la société sur les Frères.

S’il présente quelques erreurs ou approximations (cf. p. 130 sur Congar au Groupe des Dombes ou Boegner plus important que Visser’t Hooft dans la création du COÉ), ce livre offre une analyse très documentée et bien illustrée (74 photos noir et blanc dans le texte) des Frères larges qui permet de comprendre comment ce mouvement discret bien que fort prosélyte continue de se développer en restant fidèle à ses idéaux au sein du courant évangélique « orthodoxe piétiste », même s’il a dû faire des concessions au pastorat et aux dynamiques confessionnelles.

Michel Mallèvre

Sylvain Aharonian, Les frères larges en France métropolitaine. Socio-histoire d’un mouvement évangélique de 1850 à 2010, Paris, Éd. du Cerf (coll. « Patrimoines »), 2017 ; 648 p. 39 €. ISBN : 978-2-204-12489-8.

Recension publiée dans la revue Istina, 2018/4.